J’ai lu un hadith rapporté par al-Tirmîdhî, dans lequel un homme aveugle était venu voir le calife 'Uthmân ibn 'Affân, qu’Allah soit satisfait de lui, et lui avait demandé de soigner sa cécité. Alors le calife lui avait recommandé de faire ses ablutions et d’accomplir deux Rak'ats, puis d’invoquer Allah, exalté soit-Il, en disant : « Ô Seigneur ! Je t’implore par Ton Prophète Mohammed (Salla Allahou Alaihi wa Sallam), le Prophète de la Miséricorde. Ô Mohammed ! Je supplie Allah, exalté soit-Il, par toi pour que tu satisfasses mon besoin » (puis de nommer son besoin). Or, j’ai lu sur votre site que la supplication d’Allah, exalté soit-Il, par le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) après sa mort est illicite. Pourquoi donc 'Uthmân a-t-il dit cela à l’homme aveugle ? Al-Bayhaqî et al-Tabarânî ont jugé ce hadith Sahîh. Qu’en pensez-vous ?
Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :
Le hadith dans ces termes cités dans la question n’est pas rapporté par al-Tirmîdhî, mais par al-Tabarânî dans al-Mu'djam al-Saghîr et al-Mu'djam al-Kabîr, et al-Albânî l’a jugé Da'îf (faible) dans son ouvrage intitulé Da'îf ul-Targhîbi wal-Tarhîb. Dans son ouvrage intitulé al-Tawassul, Anwâ'ahu wa Ahkâmah, il a commenté ce hadith en disant : « Somme toute, ce récit est Da’îf et non acceptable pour trois raisons : son unique narrateur avait une mauvaise mémoire ; sa narration est contestable ; elle est différente de celle des narrateurs fiables de ce hadith. Si une seule de ces raisons est capable de mettre ce récit en cause, qu’en est-il donc si elles sont réunies dans cette version ? ».
Quant à la narration authentique d’al-Tirmîdhî, elle est la suivante : d’après 'Uthmân ibn Hanîf, , un homme aveugle vint dire au Prophète () : « Invoque Allah en ma faveur pour me guérir ». Le Prophète () lui répondit :
« Si tu veux, je L’invoquerai en ta faveur, mais si tu prends ta cécité en patience, cela sera dans ton intérêt ».
Mais l’homme insista et dit : « Invoque Allah en ma faveur ». Alors, le Prophète () lui ordonna de faire parfaitement les ablutions, puis d’accomplir deux unités de prière et d’invoquer Allah, exalté soit-Il, en disant : « Seigneur, je Te supplie et je T’invoque par Ton Prophète Mohammed, le Prophète que Tu as envoyé par Miséricorde. Mohammed, je me suis dirigé vers mon Seigneur par ton invocation en ma faveur pour qu’Il exauce ma demande. Seigneur, accepte son intercession auprès de Toi en ma faveur et exauce ma demande » [Al-Tirmîdhî et Ahmed (Al-Tirmîdhî : Hasan Gharîb ; al-Albânî : Sahîh ; Chu'ayb al-Arna’ût : Sahîh et ses narrateurs son fiables).
Ce hadith est différent de celui rapporté par al-Tabarânî de plusieurs points de vue :
1- Ce hadith est authentique, alors que celui rapporté par al-Tabarânî est Da'îf, bien qu’il l’ait jugé Sahîh, selon certains oulémas. Al-Albânî, qu’Allah lui fasse miséricorde, a commenté : « Al-Tabarânî a jugé ce hadith Sahîh dans al-Mu'djam al-Saghîr et al-Mu'djam al-Kabîr (…). Bien que concis, ce jugement contient plusieurs preuves d’ignorance (…). Deuxièmement, al-Tabarânî a jugé authentique seulement le hadith, et non pas le récit, puisqu’il a dit : “Le hadith a été narré par Chi'bah … et le hadith est Sahîh”. Ceci prouve qu’il indiquait le hadith rapporté par Chi'bah, alors que Chi'bah n’a pas narré ce récit, et donc at-Tabarânî ne peut l’avoir jugé authentique. Ainsi, ce qu’il a dit ne constitue pas un argument pour eux ».
2- L’homme aveugle est venu voir le Prophète () pour lui demander d’invoquer Allah, exalté soit-Il, en sa faveur. Il lui a dit : « Invoque Allah en ma faveur pour me guérir ». Il a donc supplié Allah, exalté soit-Il, par l’invocation que le Prophète () lui a indiquée de son vivant, ce qui constituait une supplication licite. Dans le hadith rapporté par al-Tabarânî, il s’agit d’une supplication par le Prophète () après sa mort, ce qui est illicite.
3- Dans l’invocation que le Prophète () a apprise à l’homme aveugle, il lui a conseillé de la terminer en disant : « Seigneur, accepte son intercession auprès de Toi en ma faveur », et cela ne signifie en aucun cas une supplication d’Allah, exalté soit-Il, par le Prophète (), mais une simple demande d’exaucer l’invocation que le Prophète () a faite en sa faveur.
Partant, le hadith rapporté par al-Tabarânî ne peut pas servir d’argument appuyant la légitimité de supplier Allah, exalté soit-Il, par le Prophète () après sa mort, et la vérité est ce que nous avons dit dans nos fatwas publiées sur le site, à savoir qu’il était licite de supplier Allah, exalté soit-Il, par l’invocation que le Prophète () avait prononcée de son vivant en faveur de quelqu’un.
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