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Rendre l’article vendu à un prix abusif et ce que dit le droit musulman au sujet de l’annulation de la vente

Question

Une personne a voulu acheter à crédit une encyclopédie de livres chère et grâce à l’habileté du vendeur, elle s’est hâtée de signer la demande d’achat et a reçu l’encyclopédie immédiatement. Or, après consultations et enquête à ce sujet, il s’est avéré que le prix était trop élevé et supérieur au prix réel, ce qui a poussé le client à renoncer à l’achat, sachant qu’il n’avait fourni au vendeur aucune pièce d’identité (numéro de compte bancaire, numéro de carte d’identité), mais le vendeur a revendiqué 10% du prix de sa marchandise (bien que le renoncement à l’achat eut lieu moins de trois heures après l’achat). La question est la suivante : le vendeur a-t-il droit à cette indemnisation ?

Réponse

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :

D’après votre question, il apparaît que la vente a déjà eu lieu entre le vendeur et l’acheteur et que ses conséquences se sont déjà produites : le vendeur a livré la marchandise à l’acheteur qui doit lui verser le prix à son tour.

Quant au fait de renoncer à l’achat à cause de ce qu’on estime être un prix abusif, cela a fait l’objet d’une fameuse divergence entre les oulémas.

La majorité des jurisconsultes hanéfites (ils se basent d’ailleurs sur cette opinion pour émettre cette fatwa), malékites et hanbalites estiment que l’acheteur a toujours le choix de garder le bien ou de le rendre lorsque le prix n’est pas apprécié à sa juste valeur par l’une des deux parties contractantes, et ce en fonction de certaines règles qu’ils ont précisées. Cela constitue un des avis des Chaféites.

Selon Al-Hasfakî, savant hanéfite :

« Sachez que la règle : “le prix abusif n’autorise pas le renoncement à l’achat”, concerne ce qui ne dépend pas de l’appréciation des estimateurs, d’après le sens explicite du texte, et c’est d’ailleurs l’avis juridique qu’émettaient certains oulémas sans condition, comme dans le mentionne l’ouvrage intitulé : Al-Qunya. (…) Les fatwas enjoignent de rendre la marchandise par compassion avec les gens ; tel est l’avis que l’on trouve dans la plupart des versions au sujet de la Mudâraba ; et l’on émet des Fatwas basées sur cet avis. (…) Si l’acheteur abuse du vendeur ou vice versa, ou si c’est l’intermédiaire qui abuse, l’acheteur a le droit de rendre la marchandise. Telle était l’opinion de Sadr al-Islâm et autres. »

Dans son commentaire d’un traité de jurisprudence, le malékite al-Dardîr, a dit : « La marchandise ne doit pas être rendue si elle est vendue à un prix abusif, qu’il s’agisse d’une augmentation ou d’une diminution exagérée qui contrevient aux normes habituelles et va au-delà de ce qui est logique. Ne pas devoir rendre la marchandise vendue à un prix exagéré ne laisse qu’une seule option : que l’acheteur fasse confiance au vendeur en lui faisant part de son ignorance, en disant : vends-moi au prix auquel tu vends aux gens car je ne connais pas la valeur réelle (du bien) ; ou que le vendeur dise : Achète-moi (tel bien) au même prix que tu payes chez autrui, etc. Il est possible également que l’une des deux parties se fie à l’honnêteté de l’autre et lui dise : Quelle est sa valeur pour que je l’achète ou que je la vende ? Et que l’autre lui dise : sa valeur est tant. Or, ce n’est jamais le cas, la différence entre les deux est purement formelle, et leur résultat est le même. Certainement, il a le droit en l’occurrence soit de rendre la marchandise, soit de ne pas la rendre du tout, mais la première option est l’avis reconnu. »

Dans la glose d’al-Dusûqi concernant le commentaire précédent, on lit : « La première option est l’avis reconnu. C'est-à-dire que c’est l’avis de l’auteur du traité, à savoir que le cas où il n’est pas permis de rendre la marchandise est lorsque la vente se fait sous forme de marchandages. Or, si l’un fait confiance à l’autre et lui fait part de son ignorance, ou s’il se fie à son honnêteté, rendre la marchandise sera en l’occurrence possible car c’est un cas de tricherie et de duperie. Certains oulémas sont allés jusqu’à dénoncer le second avis qui interdit de manière absolue de rendre la marchandise.»

Dans al-Furû‘ d’Ibn Muflih le hanbalite, il est dit : « Cela est permis, selon l’avis le plus authentique, à l’acheteur qui ignore la valeur (du bien) si on le trompe ou s’il l’ignore sous l’effet de la précipitation. D’après lui aussi : et à l’acheteur qui n’a pas fait de marchandage. Tel est l’avis pour lequel notre cheikh a opté et que notre doctrine a adopté. Et la justice en sa faveur consiste à abroger le contrat tant que le vendeur ne l’a pas averti que la marchandise était chère et n’a pas été estimée à sa valeur réelle.»

Les chaféites estiment que le prix abusif ne donne pas le choix de rendre la marchandise, pour l’acheteur, (de revenir sur l’achat) car il a négligé de se renseigner comme il faut. Selon al-Chîrazi dans son livre al-Muhadhdhab : « s’il achète un bien et qu’il s’avère qu’il a payé un prix abusif, il n’a pas le droit de le rendre au vendeur. Il tire argument à cet égard de ce qui fut rapporté à propos de Hibbân ibn Munqidh qui dupait les gens en vendant. On en fit alors part au Prophète () qui dit : « Si vous vendez, dites : pas de duperie, et tu auras le choix trois jours ». Il n’autorisa pas le choix dû au prix abusif : car la marchandise est saine et le vendeur ne l’a pas dupé à ce niveau. C’est l’acheteur qui ne s’est pas soucié de s’enquérir du prix, et par suite il n’a pas le droit de la rendre. »

Mais quel est le degré d’abus qui laisse le choix à la partie lésée chez ceux qui l’on approuvé ?

Cela a fait l’objet de divergences entre les oulémas qui l’avaient autorisé : Selon les hanéfites et les malékites, chez qui cet avis est l’avis prépondérant, ainsi que les hanbalites, chez qui cela constitue un des avis émis à ce sujet, les personnes compétentes pour évaluer le degré d’abus sont les commerçants, car ce sont à eux que l’on se réfère pour trancher détecter les défauts des marchandises ou autres sujets qui nécessitent une expérience commerciale.

Un deuxième avis appartient aux malékites et aux hanbalites qui estiment que le prix est jugé abusif si le préjudice est égal au tiers du prix réel.

Le troisième avis est celui des malékites selon lesquels le prix est abusif s’il excède le prix réel de plus du tiers. D’après Ibn ‘Âbidîn : « Si la vente se fait à 10 unités d’une monnaie quelconque, puis que certains estiment que la marchandise en vaut 5 seulement, que d’autres l’estiment à six, et un autre groupe à 7, il s’agit là alors d’un cas de prix abusif car cela ne dépend pas de l’estimation de quelqu’un. Mais si certains disent 8, d’autres 9 et d’autres dix, cela est un cas d’abus léger.

Dans la glose d’al-Dusûqi : l’expression « même s’il va à l’encontre de l’habitude » signifie : si cet abus est habituel au niveau du marchandage avec les gens, voire même s’il va au-delà de ce qui est habituel. Son affirmation qu’il a dépassé les normes habituelles des gens raisonnables renvoie au marchandage et cela est une explication de l’exagération inhabituelle. Quant à l’exagération habituelle, c’est celle qui excède le tiers, et certains ont dit « qui atteint le tiers ».

Dans al-Furû‘ d’Ibn Muflih : d’après Ahmad : l’abus est estimé comparativement aux prix habituels, d’aucun dise qu’il commence à partir d’un tiers, d’autre : un sixième, et l’abus est prohibé par les textes du droit musulman.

Par conséquent, si l’abus est prouvé par l’acheteur, le vendeur n’a pas le droit de revendiquer ce qu’il appelle une indemnité. Même si l’acheteur ne prouve pas qu’il s’agit d’un prix abusif et ne dit pas qu’il veut renoncer à l’achat, il est préférable que le vendeur lui rende son argent. L’annulation de la vente se fait tel que décrit dans le livre « Indjâh al-Hâdjah » : l’annulation de la vente se fait lorsque quelqu’un achète une marchandise d’un vendeur puis regrette de l’avoir achetée soit après avoir constaté que le prix était abusif, soit car il n’en a plus besoin, soit car il se trouve à court d’argent, et par conséquent il rend la marchandise au vendeur, et celui-ci accepte qu’il la lui rende ; et Allah effacera ses péchés et lui pardonnera ses lacunes le Jour de la Résurrection pour avoir fait preuve de bienfaisance à l’égard de l’acheteur étant donné que la vente était déjà conclue et que l’acheteur ne pouvait pas l’abroger.

Il faut mentionner que l’annulation de la vente est une abrogation chez la majorité des jurisconsultes et cela signifie que les choses reviennent à l’état préalable à la vente : l’acheteur reprend son argent et le vendeur récupère sa marchandise, rien d’autre.

Certains oulémas estiment que l’annulation de la vente constitue une vente nouvelle et que, par conséquent, le vendeur a le droit d’annuler la première vente mais en rachetant le bien à un prix inférieur auquel il l’avait vendu.

Et Allah sait mieux

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