Préparez donc à manger pour la famille de Jaʻfar
Il n'y a pas de vertu parmi les nobles caractères, ni de qualité parmi les plus excellentes, sans que notre Prophète Mohammed (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) n'en ait eu la part la plus abondante et la plus grandiose. Allah, exalté soit-Il, dit à son sujet : « Et tu es certes d'une moralité éminente » (Coran 68/4). Parmi les attributs du Messager, Salla Allahou Alaihi wa Sallam, décrits par son Seigneur, le Miséricordieux, se trouvent la miséricorde et la douceur envers ses compagnons, car Allah, exalté soit-Il, dit : « C'est par quelque miséricorde de la part d’Allah que tu (Muhammad) as été si doux envers eux ! Mais si tu avais été rude, au cœur dur, ils se seraient enfuis de ton entourage » (Coran 3 /159). Ces versets bénis illustrent parfaitement comment le Prophète traitait ses compagnons, son caractère exemplaire était manifeste. Il répondait à chaque moment à leurs besoins, se montrait d’une grande humilité vis-à-vis d’eux, son humeur joviale était ouverte à leurs plaisanteries, (et les siennes étaient toujours conformes à la vérité), il répondait à leurs invitations, leur rendait visite quand ils étaient souffrants, assistait à leurs funérailles, priait pour eux et pour leurs enfants, en somme, sa compassion pour eux se reflétait en permanence car il ressentait leurs douleurs et partageait leurs espoirs... Et cela est confirmé par les hadiths suivants : Sahl ibn Hunayf (qu'Allah soit satisfait de lui) a dit : « Le Messager d’Allah (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) visitait les faibles parmi les musulmans, leur rendait visite quand ils étaient malades et assistait à leurs funérailles » (Rapporté par Al-Hâkim).
ʼAnas (qu'Allah soit satisfait de lui) a dit : « Le Messager d’Allah (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) visitait les Ansars, saluait leurs enfants, leur caressait la tête et priait pour eux. » (Rapporté par An-Nasâʼî).
L'amour du Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) pour ses compagnons se manifestait également à travers son attention aux évènements de leur vie : il partageait ce qu’ils ressentaient, les réconfortait ainsi que leurs familles et leurs enfants lors des nombreuses épreuves auxquelles ils devaient faire face, en déployant son amour pour dissiper leur tristesse et leur chagrin. De nombreuses occasions ont illustré sa remarquable empathie, et parmi elles, son comportement envers la famille de Jaʻfar ibn Abou Tâlib (qu'Allah soit satisfait de lui) après sa mort en martyr, lors de la bataille de Muʼtah.
La miséricorde prophétique et sa compassion envers la famille de Jaʻfar:
ʻAbd-Allah ibn Jaʻfar (qu'Allah soit satisfait de lui) a dit : « Le Messager d’Allah (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) envoya une armée dont le commandement était confié à Zayd ibn Hârithah, et ses instructions étaient les suivantes ; Si Zayd tombait en martyr, c’est Jaʻfar qui devrait prendre le commandement, et s'il tombait à son tour en martyr, alors votre chef serait ʻAbd-Allah ibn Rawâhah. Zayd prit l’étendard et combattit jusqu'à sa mort, puis Jaʻfar prit le commandement et l’étendard puis se rua sur l’ennemi et combattit jusqu'à sa mort, puis ce fut le tour de ʻAbd-Allah ibn Rawâhah de prendre l’étendard et de tomber lui aussi en martyr. Ensuite, Khâlid ibn al-Walid prit l’étendard et Allah, exalté soit-Il, lui accorda la victoire. Le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) est sorti vers les gens, a remercié et a loué Allah, disant : ‘Vos frères ont rencontré l'ennemi. Zayd a pris l’étendard et a combattu jusqu'à sa mort - ou son martyre. Ensuite, Jaʻfar ibn Abou Tâlib l'a pris et a combattu jusqu'à sa mort - ou son martyre. Ensuite, ʻAbd-Allah ibn Rawâhah l'a pris et a combattu jusqu'à sa mort - ou son martyre. Ensuite, le sabre d’Allah, (le surnom donné à Khâlid ibn al-Wâlid), l'a pris et Allah, Glorifié soit-Il, lui a accordé la victoire’. Le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) attendit trois jours avant d’annoncer la nouvelle à la famille de Jaʻfar. Il vint donc par la suite et dit : ʻNe pleurez pas pour mon frère après ce jour. Faites venir les fils de mon frère. On nous fut venir, nous ressemblions à des oisillons. Il dit : ‘Appelez-moi un coiffeur’. Le coiffeur fut appelé et nous coupa les cheveux. Ensuite, il dit : ‘Quant à Mohammed, il ressemble à notre oncle Abou Tâlib, et ʻAbd-Allah me ressemble en apparence et en caractère’. Puis il prit ma main droite et la leva en disant trois fois : ‘Ô Allah, remplace Jaʻfar par quelqu'un qui soit bon pour sa famille, et bénis ʻAbd-Allah dans ses affaires’. Il a répété cela trois fois. Ensuite, notre mère, ʼAsmâʼ bint ʻUmays, est venue et lui fit part de sa crainte sur le sort de sa famille. Il a dit : « Craindrais-tu pour ta famille la pauvreté et le besoin, alors que je suis leur garant dans ce monde et dans l'au-delà ?». (Rapporté par Ahmed et authentifié par Al-Albânî).
Lorsqu’ensuite ʼAsmâʼ bint ʻUmays (qu’Allah soit satisfait d’elle) mentionna son époux Jaʻfar (qu’Allah soit satisfait de lui) en évoquant, après sa mort et son martyre, son inquiétude pour les besoins de ses enfants, le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) la rassura en disant : « Ne crains ni la pauvreté ni le besoin pour ta famille, je suis leur garant dans ce monde et dans l'au-delà ». L’invocation que le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) pour ʻAbd-Allah ibn Jaʻfar « Et bénis Abdullah dans ses affaires » fut exaucée par Allah, exalté soit-Il, puisque ʻAbd-Allah devint l'un des plus importants commerçants parmi les musulmans, renommé pour sa prodigalité et sa générosité. Ibn ʻAbd al-Barr a rapporté à propos de ʻAbd-Allah ibn Jaʻfar: « Il était généreux, noble, subtil, vertueux et généreux. Il était appelé l'océan de la générosité, et on raconte que nul ne fut plus généreux que lui dans l'islam ». Al-Dhahabî a également dit à son sujet dans le livre Siyar Aʻlâm al-Nubalâʼ: « Al-Jawwâd ibn al-Jawwâd, le généreux fils du généreux, l’homme aux deux ailes, évoquant ainsi son père tombé en martyr lors de la bataille de Muʼtah, (le Prophète déclara à son sujet, qu’Allah, exalté soit-Il, lui donnera deux ailes au paradis, pour qu’il puisse voler où il le désire en récompense de son combat dans le sentier d’Allah). ʻAbd-Allah ibn Jaʻfar grandit dans la demeure du Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) entouré de son affection... Al-ʻUmarî a dit : « Ibn Jaʻfar fit un prêt à al-Zubayr d’un million de dinars, puis à la mort de celui-ci, Ibn al-Zubayr a dit à Ibn Jaʻfar: ‘J'ai trouvé dans les livres d'al-Zubayr que mon père a une dette envers toi d’un million de dinars’. Il a dit : ‘C'est vrai’. Puis il l'a rencontré plus tard et lui dit : ‘Ô Abou Jaʻfar, j'ai été induit en erreur. L'argent est à toi’." Il a dit : ‘Non, je ne le prendrai pas’ ».
En plus de l'invocation du Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) pour ʻAbd-Allah ibn Jaʻfar (qu'Allah soit satisfait de lui), il lui manifestait toujours une affection particulière et prenait grandement soin de lui. Il est rapporté dans Sahih Mouslim que ʻAbd-Allah ibn Jaʻfar a dit : « De retour d’un voyage, le Messager d’Allah (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) fut accueilli par les petits garçons de sa famille, ce jour-là, on me demanda d’aller à sa rencontre. Il me prit alors dans ses bras, et mit en croupe derrière lui moi et l’un des deux fils de Fâtima. Nous étions, en entrant à Médine, au nombre de trois sur sa monture ».
Et ʻAbd-Allah ibn Jaʻfar a dit : « Le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) m'a porté sur son dos un jour et m'a confié un secret que je n'ai jamais révélé à personne. » (Rapporté par Mouslim).
Préparation de repas pour les proches du défunt : Préparez à manger pour la famille de Jaʻfar:
Ce fut une recommandation du Messager d’Allah (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) aux voisins et aux proches du défunt, de préparer de la nourriture et de l'envoyer à sa famille pour les soutenir et les soulager de l’épreuve qui les accablait de chagrin. Le deuil auquel ils ont à faire face ne leur permettait pas de recevoir les visiteurs venus leur présenter leurs condoléances et de s'occuper en même temps de leur propre nourriture. La preuve en est la parole du Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) à ses compagnons après la mort de Ja'far ibn Abi Talib lors de la bataille de Muʼtah : « Préparez à manger pour la famille de Jaʻfar, car aujourd’hui ils sont accablés par le chagrin ». Nous retrouvons ces recommandations citées par divers savants de l’islam, dont :
Ibn Taymiyyah a dit : « Il est recommandé lorsque quelqu'un décède que de la nourriture soit préparée pour sa famille, comme le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) l'a dit, lorsque la nouvelle du martyre de Jaʻfar ibn Abou Tâlib est tombée (Préparez à manger pour la famille de Ja'far, car ils sont préoccupés par ce qui vient de leur arriver) ».
Ibn al-ʻArabî a dit : « C'est un principe dans les interactions en cas de besoin... leur propre situation causée par le chagrin de la mort de leur parent, les met hors d’état d’agir pour eux-mêmes et exige qu'ils soient pris en charge par les autres ».
Al-Shafi'i a dit : « Il est préférable pour les voisins du défunt ou ses proches de préparer des repas pour cette famille endeuillée le jour de la mort de leur défunt et la nuit suivante, afin que malgré le deuil, ils n’oublient pas de se nourrir ; c'est une sunna, donc une noble action, et c'est ce que les gens de bien ont fait avant nous et après nous ».
Ibn Qudâma a dit : « Il est recommandé de préparer à manger pour la famille du défunt, de la leur apporter pour les soutenir pendant l’épreuve de leur chagrin, car ils pourraient être trop occupés par leur deuil et ceux qui arrivent pour présenter leurs condoléances, pour préparer leurs propres repas ».
Al-Sanʻânî a dit : « Cela indique que le fait d'aider la famille du défunt en leur préparant de quoi manger est licite, car ils sont accablés de chagrin par la mort de leur proche ».
La sagesse à tirer de cet enseignement :
La vie et la Sunna prophétique démontre combien le fait de préparer à manger pour les proches du défunt est louable. Si leurs voisins, leurs parents et leurs amis, le font avec le but de les réconforter et de les aider dans leur préoccupation et le chagrin qui les immobilise, cela réalise également le renforcement des liens sociaux et de la compassion entre les membres de la communauté. Cependant, si les limites du raisonnable sont dépassées, cela peut se transformer en un acte ostentatoire, qui peut conduire vers une course qui fait apparaitre la rivalité ou une façon de se prévaloir. De la même façon, il est préjudiciable que les proches du défunt se sentent obligés de préparer eux-mêmes à manger aux visiteurs qui viennent présenter leurs condoléances, car ce serait une coutume erronée et une innovation contraire à la voie et à la tradition du Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam). Al-Suyûtî a dit : « Ce rituel (préparation des repas pour les proches du défunt) était à l'origine conforme à la tradition prophétique, mais au fil du temps, il s’est transformé en innovation dans l'islam. L’abus de cette pratique est devenu petit à petit, une fanfaronnade et un moyen d’attirer l’attention. Il est hélas courant de nos jours, que certaines personnes se rassemblent chez les parents du défunt, et demandent à leurs proches d’envoyer des plats qui ne sont pas dépourvus d'ostentation, ce qui transforme un acte noble en une innovation blâmable ». Ibn Uthaymîn a dit : "Préparer de la nourriture pour les proches du défunt n'est une Sunna que pour ceux qui sont accablés par la tristesse au point d’être incapable de s'occuper de leur propre nourriture, comme l'a dit le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) : (car ils ont été occupés par une affaire qui les préoccupe), ce qui indique par ailleurs qu’il ne s’agit pas d’une Sunna absolue ».
Le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) était un excellent compagnon pour ses compagnons, partageant leurs sentiments, ressentant leurs douleurs et leurs espoirs, se tenant à leurs côtés dans leurs peines et leurs joies, toujours là pour soulager leur tristesse et leur chagrin, leur donnant de l'espoir dans leur douleur. Une multitude de situations bouleversantes met en lumière ses enseignements et son irréprochable moralité dans la relation unique qu’il entretenait avec ses compagnons, qui a marqué l’histoire de l’islam, notamment son comportement envers la famille et les enfants de Jaʻfar ibn Abou Tâlib après son martyre à Muʼtah. Et tout cela est condensé dans une de ses célèbres paroles ; le Prophète (Salla Allahou Alaihi wa Sallam) a dit : « L’exemple des croyants dans leur amour mutuel, la miséricorde et la compassion est comme celle d'un seul corps : lorsqu'un des membres est affecté, tout le reste du corps souffre de l'insomnie et de la fièvre. » (Rapporté par Mouslim).