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Si seulement vous preniez position en faveur de l’ayant-droit

Si seulement vous preniez position en faveur de l’ayant-droit

Si seulement vous preniez position en faveur de l’ayant-droit

En Islam, les droits entre les gens sont sacrés. Il convient de les respecter, de s’en acquitter et de prendre garde à les négliger. 

Plus la communauté vénère ce principe des droits, plus sa valeur et son statut seront grands. A l’inverse, ne pas leur accorder d’importance et les négliger est un signe de la médiocrité et de la faiblesse de la communauté et de la dislocation des liens entre ses membres.

Les rapports entre les gens reposent sur ce principe binaire entre les droits et les devoirs. Chacun doit faire ce qu’il lui incombe et obtenir ce qui lui revient de droit. A titre d’exemple, en cas de prêt d’argent, le créditeur a le droit de réclamer son dû à l’échéance convenue. Et le débiteur a le devoir de lui restituer son capital pour lequel il s’est porté garant, selon la bienséance. S’il a investi ou fait fructifier l’argent, les bénéfices lui reviennent. Le créditeur a le droit de réclamer ce qui lui revient de droit mais ne peut exiger plus puisque cela correspondrait à de l’usure.

C’est ainsi que se distinguent les droits et les devoirs de chacun. L’ayant droit n’exige pas plus que son dû ni n’exerce de pression pour le réclamer. En parallèle, celui à qui il incombe de le lui restituer doit s’efforcer de le faire sans le différer ni se quereller. De tels critères sont rares dans les autres types de contrats et de rapports sociaux.

Al-Bayhaqi et Ibn Majah rapporte le hadith suivant de Abu Said al-Khudri : Un bédouin s’est présenté au Prophète () et lui réclama une dette. Il se montra dur et lui dit : je ne cesserai de te réclamer mon dû jusqu’à ce que tu me règles. Les compagnons le réprimandèrent et lui dirent : malheur à toi, sais-tu à qui tu parles ? Mais le bédouin répliqua : je ne fais que réclamer mon droit. Le Prophète () dit alors : Si seulement vous preniez position en faveur de l’ayant-droit. Puis, le Prophète envoya un homme chez Khawla bint Qays lui dire ceci : Si tu as des dattes, prêtes-nous en jusqu’à ce que nous récupérions les nôtres et nous te rendrons ce que tu nous as prêtés. Oui dit-elle, je donnerai mon père en rançon pour toi ô messager d’Allah. Elle lui prêta ces dattes et il put rembourser le bédouin auquel il en donna davantage en guise de nourriture. Ce dernier dit : tu m’as intégralement remboursé, qu’Allah agisse bien avec toi comme tu l’as fait avec moi. Le Prophète dit alors concernant ceux qui s’acquittent loyalement de leurs devoirs : Ce sont les meilleurs des gens. Un peuple qui ne restitue pas les droits des plus faibles d’entre eux sans craindre qu’aucune nuisance ne les touche ne serait être purifié de la souillure de ses péchés. » Ce hadith est jugé authentique par al-Albânî dans Sahih al-Jâmi’.

Le Prophète () n’a pas accepté l’attitude des Compagnons bien qu’en apparence ils ne faisaient que prendre la défense du Prophète selon le comportement qui sied. Surtout au vu de la rudesse avec laquelle le bédouin lui exigeait le remboursement de sa dette. Mais la vision du Prophète allait bien au-delà. Il voulait orienter les Compagnons vers une compréhension plus profonde de la religion pour qu’à leurs yeux, la vérité soit sacrée, et constituer ainsi une mentalité musulmane qui accordent toute l’importance requise aux droits de chacun, et à porter secours au plus faible jusqu’à ce que son droit lui soit restitué. Même s’il tient des propos durs, la position d’un ayant-droit est toujours la plus forte puisqu’elle tire sa force du droit qui lui revient et qu’il réclame.  

Exercer les âmes à accepter l’amertume de la vérité et la dureté de l’ayant-droit est un objectif qui se manifeste clairement à travers cette directive prophétique de bon sens. Il a d’ailleurs réitéré cet enseignement à plusieurs reprises afin que les âmes s’éduquent à se soumettre à la vérité et prendre le parti de l’ayant-droit jusqu’à ce qu’il récupère son du. Cette voie nous conduit à la sécurité requise au sein de la société musulmane. Elle garantit les droits des individus et les met tous sur un pied d’égalité face à leurs responsabilités et l’autorité judiciaire.

Al-Tirmidhî rapporte selon Abou Horayra qu’un homme est venu réclamer son dû au Prophète (Salla Allahu alayhi wa sallam, et se montra dur avec lui. Les compagnons pensèrent à le réprimander mais le Prophète () leur dit : Laissez-le, un ayant-droit à le droit de s’exprimerIl ajouta : Achetez-lui un chameau et donnez-le-lui. Ils en cherchèrent un mais n’en trouvèrent qu’un meilleur que le sien. Le prophète dit alors : Achetez-le et donnez-le-lui. Le meilleur d’entre vous est celui qui restitue le mieux leurs droits aux gens» Abou ‘Issa a dit : c’est un hadith bon et authentique.

Souvent, un penchant émotif, un esprit partisan ou une affiliation politique peuvent nous pousser à prendre position contraire à la vérité et en faveur de qui nous avons un de ces liens en commun. Parfois, il se peut même que notre position s’oppose clairement à la vérité. Cette attitude est une de celles qui ont subsistées de l’époque de l’ignorance antéislamique (Al-Jahiliyya) et que les âmes ont conservées. Ce qui prouve que la vérité a peu d’emprise sur ces âmes et que les critères de justice sont biaisés. Et bien que les compagnons puissent justifier leur comportement, ce qui serait acceptable sur le plan religieux et rationnel vu qu’ils prenaient la défense du statut de la prophétie et de la personne qui l’incarnait, il n’en reste pas moins que le Prophète ne laissa pas passer une telle attitude. Ceci dit, la sensibilité religieuse n’annule le droit de personne, pas même celui de voir ces biens lui revenir comme ils sont censés l’être. C’est ainsi que le Prophète () enseigna ces notions aux Compagnons.

Ce hadith établi un principe perspicace et subtil. Il s’agit de prendre position conforme à la vérité que l’on soit content ou non, avec une personne proche ou inconnue, qu’elle soit d’accord avec nous ou non. Et puisque faire preuve d’autant d’objectivité est une exigence ardue, elle nécessite davantage d’efforts pour habituer l’âme à voir la vérité en toute impartialité, indépendamment de nos liens de sang, l’appartenance au groupe ou le droit des personnes concernées. En effet, il est facile de restituer son droit à une personne qu’on aime ou qui nous est agréable. Mais seules les âmes soumises à la vérité et éduquées à s’imposer une impartialité pourront restituer ce droit ou accepter la vérité d’un opposant qui de plus leurs est inconnue.

Une telle attitude est également de rigueur dans le cadre de la proscription des actes blâmables. Il se peut qu’on ait à interdire une personne de commettre un mal. Mais si ce même mal émane d’une personne qui nous est familière ou alliée, on interprète alors les textes en sa faveur, on lui trouve des excuses et on passe sur son erreur. Et pourtant il s’agit du même acte blâmable commis dans le même contexte et les mêmes circonstances.

Ce conseil du Prophète doit même s’appliquer dans le cadre des polémiques scientifiques et des débats entre contradicteurs qui s’opposent des arguments théologiques. Même dans ce cadre, un homme est censé faire preuve de loyauté et mettre en évidence la vérité en faisant abstraction de toute passion émanant de son âme et de tout penchant lié à sa nature. Méditez avec moi cette transparence qui doit se manifester dans un débat religieux comme le relate le grand savant Al-Mu’allimî, qu’Allah lui fasse miséricorde. Il a dit :

« De façon générale, les chemins de la passion sont bien trop nombreux pour qu’on puisse les recenser ! J’en ai d’ailleurs fait l’expérience avec ma propre personne. En méditant une question pour laquelle je prétendais n’être influencé par aucun facteur, la compréhension de cette question m’est apparue avec clarté. J’en donne une explication qui me satisfait. Et c’est alors que me vient à l’esprit une autre réflexion qui vient affecter ma compréhension initiale. Et je m’en retrouve gêné. Mon âme me suggère de ne pas se donner la peine de répondre à cette nouvelle réflexion et de faire abstraction de toute discussion des arguments que cette réponse apporterait. La raison de cette attitude est la suivante : En me donnant une explication satisfaisante de ma compréhension de cette question, ma passion m’a conduit à en juger de sa validité. Et ce, alors que personne n’en est au courant. Qu’en aurait-il été si j’avais annoncé aux gens ma compréhension de cette question puis que cette nouvelle réflexion vienne la remettre en cause ? Et comment aurais-je réagi si cette réflexion qui est venue affecter ma compréhension ne m’était pas venue à l’esprit mais émanée d’une autre personne qui m’aurait contredit en m’opposant ces arguments ? Plus encore, qu’en aurait-il été si ce contradicteur faisait partie des gens que je déteste ?! 

 

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