Son nom complet est Thaabit ibn Qays ibn Shammaas ibn Al-Harith Al-Ansaari Al-Khazraji. Il est connu comme étant le plus grand orateur des Ansars (habitants musulmans de Médine qui ont accueillit les émigrés de La Mecque) et du Prophète (). Son surnom est Abu Muhammad ou Abu Abd ar-Rahman.
Thâbit Ibn Qays était chef de clan des Khazraj et par conséquent un homme considérablement influent à Yathrib. Il était connu pour la finesse de son esprit et le pouvoir de son éloquence. Ces deux qualités contribuèrent à faire de lui le khatîb (c’est-à-dire prédicateur et orateur) du Prophète (Salla Allahu Alaihi wa Sallam) et de l’Islam.
Il se convertit à l’Islam, grâce à Allah, puis grâce aux efforts du compagnon Mus`ab Ibn `Umayr. Sa logique persuasive ainsi que sa belle et douce récitation du Coran furent d’un effet irrésistible.
Il participa à la bataille d’Uhud et à toutes les autres batailles qui la suivirent. Il est mort en martyr au cours de la bataille d'al-Yamaamah durant le califat d'Abu Bakr As-Siddiq. Le Prophète () lui a annoncé la bonne nouvelle du Paradis en lui disant qu'il sera parmi les élus du Paradis. Il (), a également dit : « Quel homme de bien est Thabit ibn Qays Ibn Shammaas ! » [Al-Boukhari dans Al-Adab Al-Mufrad et At-Tirmidhi. Al-Albani le qualifie de Sahih (authentique)].
L’Imam Al-Nawawi a dit dans son livre, Tahtheeb Asmaa Wal-Lughaat, qu'il est rapporté dans les livres concernant les expéditions militaires, que Thabit fut tué en martyre au cours de la bataille d'Al-Yamaamah, Thabit portait une cuirasse de grande valeur. Un musulman passant à côté de lui, se l'appropria. Tandis qu'un autre musulman sommeillait, Thabit -qu’Allah l’agrée- lui apparut en rêve et lui dit : « Je te fais une recommandation et garde-toi de la négliger en pensant qu'il ne s'agit d'un rêve. Quand j'ai été tué hier, un homme est passé près de moi et s'est emparé de mon armure. Il est stationné à l'extrémité du campement. A côté de sa tente se trouve un cheval dont la longueur est prise pour modèle. Il a renversé sur l'armure une marmite, au-dessus de laquelle il y a une selle de chameau. Va donc voir Khalid ibn al-Walid pour qu'il envoie chercher ma cuirasse. Quand tu arriveras à Médine, dis au Calife du Messager d'Allah () que j'ai telle et telle dette et tel esclave est affranchi ainsi qu'un tel. »
L'homme se rendit auprès de Khalid ibn al-Walid -qu’Allah l’agrée- et le mit au courant de l'histoire. Celui-ci envoya chercher la cuirasse qu'on trouva à l'endroit indiqué et informa Abu Bakr as-Siddiq de sa vision. On ne connaît personne d'autre que Thabit ibn Qays -qu’Allah l’agrée-, dont le testament a été autorisé après sa mort.
À l’arrivée du Prophète () à Médine, suite à la Hijrâh (émigration) historique, Thâbit et un groupe de cavaliers lui réservèrent un accueil des plus chaleureux et enthousiastes. Thâbit, en tant que porte-parole, prononça un discours, en présence du Prophète () et de son compagnon, Abû Bakr As-Siddiq (Radhya Allahou Anhou). Il le commença en louant Allah le Tout Puissant et en invoquant la paix et les bénédictions sur Son Prophète. Il ponctua son allocution ainsi :
" Ô Messager d’Allah, nous te faisons la promesse solennelle de te protéger de tout ce dont nous protégeons nos enfants, nos femmes et nos propres personnes. Quelle serait notre récompense pour cela ? ". Ce discours faisait référence au second serment d’allégeance d’Al Aqabah et la réponse du Prophète () fut la même : Si vous respectez votre promesse votre récompense ne serait autre que Al Janna (le Paradis) !".
Quand les Médinois entendirent le mot "Al Janna", leurs visages rayonnèrent de bonheur. Avec une vive émotion, ils répondirent :
" Nous sommes très satisfaits (d’avoir le Paradis en contre partie), Ô Messager d’Allah ! Nous sommes très satisfaits, Ô Messager d’Allah ".
Depuis ce jour, le Prophète () fit de Thâbit Ibn Qays son khatîb, orateur tout comme il fit de Hassân Ibn Thâbit son poète. Quand les délégations arabes se présentèrent au Prophète () pour se vanter de leurs habilités poétique et rhétorique, grande fierté des Arabes, le Prophète fit appel à Thâbit Ibn Qays et à Hassan Ibn Thâbit pour défier leurs orateurs et leurs poètes.
Dans l’année des Délégations, la neuvième de l’Hégire, des tribus de toute la péninsule arabe vinrent à Médine pour rendre hommage au Prophète (), annoncer leur acceptation de l’Islam ou payer la jizyah en contrepartie de la protection musulmane. Une délégation de l’une des tribus présentes, en l’occurrence la tribu de Tamîm, dit au Prophète (): " Nous sommes venus te montrer les prouesses de notre tribu. Permets à notre poète et à notre orateur de parler ". Le Prophète () sourit et dit : " Que votre orateur parle !". Leur orateur, Utârid Ibn Hâjib, se leva et mit en avant la grandeur et les exploits de sa tribu. Quand il eut terminé, le Prophète chargea Thâbit Ibn Qays de lui répondre.
Alors Thâbit Ibn Qays se leva et dit entre autres : " Louanges à Allah qui a créé les cieux et la terre où Sa Volonté est manifeste. Son Trône est à l’ampleur de Son Savoir, rien n’existe sauf par Sa grâce. Par Son pouvoir, Il a fait de nous des leaders et Il a élu, parmi nous, un Messager : le plus honorable des hommes dans la lignée et son origine, le plus sûr et le plus véridique dans le discours et le meilleur dans les actes. Il lui a révélé le livre sacré et qui est une bénédiction de Dieu. Il a prêché et appelé les gens à croire en Allah. Les Émigrants, Al mouhajiroun, parmi son peuple et ses proches ont été les premiers à croire en lui. Ils sont en cela les plus honorables des gens et les meilleurs par leurs actes. Nous, Ansars, nous étions les premiers à le soutenir, l’assister et répondre à son appel. Nous sommes, par conséquent, les serviteurs d’Allah et les ministres de Son Messager".
Thâbit croyait profondément en Allah. Sa foi et sa crainte d’Allah étaient fortes et sincères. Il prenait garde à ne pas dire ou à ne pas faire ce qui suscite la colère d’Allah, le Tout-puissant. Un jour, le Prophète () le trouva le dos voûté et avait l’air triste, déprimé et craintif.
"Qu’est-ce qui ne va pas, Ô Abû Muhammad ? lui demanda le Prophète.
- Je crains d’être anéanti, Ô le Messager d’Allah, dit-il.
- Et pourquoi ? lui demanda le Prophète.
- Allah le Tout-puissant, dit-il, nous a interdit de souhaiter la louange pour ce que nous n’avons pas fait, or il se trouve que j’aime les éloges. Il nous a interdit d’être fier, or il s’avère que je tends parfois vers la vanité."
Il tint ces propos lors de la révélation du verset coranique traduit ainsi : "Ne pense point que ceux-là qui exultent de ce qu'ils ont fait, et qui aiment qu'on les loue pour ce qu'ils n'ont pas fait, ne pense point donc, qu'ils trouvent une échappatoire au châtiment. Pour eux, il y aura un châtiment douloureux !". (Coran 3/188)
Le Prophète () tenta alors de calmer ses inquiétudes et d’apaiser ses craintes. Il lui dit : " Ô Thâbit, n’es-tu pas heureux de vivre en étant loué, mourir en martyr et entrer le Paradis ?".
Le visage de Thâbit rayonnait de bonheur et de joie, il s’exclama : " Certainement, Ô Messager d’Allah ". "Tout cela sera tien, très certainement ", répondit le noble Prophète (). "
Une fois de plus, Thâbit se laissa attrister et abattre à la révélation de ces versets du Coran : "Ô vous qui croyez ! N’élevez pas vos voix au-dessus de la voix du Prophète et qu’aucun de vous n’élève le ton sur lui comme il le ferait avec tout autre, de peur que tous vos actes ne s’annulent à votre insu". (Coran 49/2)
En entendant ces mots, alors qu’il appréciait par dessus tout la compagnie constante du Prophète () Qays se tint à l’écart des réunions avec le Prophète. Il restait chez lui sans jamais sortir si ce n’est pour l’accomplissement de la prière obligatoire à la mosquée.
Le Prophète () remarqua son absence et bien évidemment demanda de ses nouvelles. Un homme des Ansars proposa d’aller s’enquérir des nouvelles de Thâbit. L’homme le trouva assis, triste et déprimé, la tête baissée.
" Quel est ton problème, qu’est-ce qui t’arrive ? " lui demanda-t-il.
"Ça va mal, répondit Thâbit. Tu sais que je suis un homme à la voix forte et que ma voix porte bien plus que celle du Messager d’Allah (). Tu sais également ce que révèle le Coran à propos de ceux qui élèvent la voix au-dessus de celle du Prophète. La conséquence sera la nullité de mes bonnes actions et je serai parmi les gens qui iront dans le Feu de l’Enfer".
L’homme retourna auprès du Prophète () et lui rapporta les faits. Le Prophète le renvoya chez Thâbit pour lui dire : " Tu ne fais pas partie des gens qui iront dans le Feu de l’Enfer mais de ceux qui iront droit au Paradis".
Telles sont les bonnes nouvelles avec lesquelles Thâbit Ibn Qays fut béni. Les événements rapportés précédemment dénotent son degré de sensibilité au message du Prophète (), aux commandements de l’Islam et avec quelle hâte il les appliquait à la lettre ! Il se soumettait à une autocritique très stricte. Il était pieux et son cœur pénitent tremblait par crainte d’Allah le Tout Puissant.