Abû Bakr et le Coran... un lien particulier
Dans la cour de sa maison à La Mecque, Abou Bakr prit l’habitude de réciter sereinement le Coran laissant ses larmes exprimer la Vérité qu’avait reconnue son cœur. Inquiets par l’intérêt manifesté par ses voisins à l’égard du nouveau Livre, les Polythéistes de Qouraysh le menacèrent de représailles si cette habitude devait durer. Cependant, Abou Bakr refusa de se plier à leurs menaces sacrifiant même la protection que lui procurait Ibn Ad-Doughunnah contre les ennuis de Qouraysh. Il dit à ce dernier : « Je ne le fais que dans ma propre demeure et je cherche refuge auprès du Très Glorieux et du Très Noble. »
Connu pour sa forte émotion vis-à-vis du Coran, Abou Bakr ne pouvait s’empêcher pendant sa récitation de verser de chaudes larmes. On rapporta que la sourate qui le faisait le plus pleurer était la sourate intitulée Az-Zalzalah (la secousse) : « Quand la terre tremblera d’un violent tremblement * et que la terre fera sortir ses fardeaux * et que l’homme dira : "Qu’a-t-elle ?" * Ce jour-là, elle contera son histoire * selon ce que ton Seigneur lui aura révélé * Ce jour-là, le gens sortiront séparément pour que leur soient montrées leurs œuvres * Quiconque fait du bien fut-ce du poids d’un atome, le verra * et quiconque fait un mal fût-ce du poids d’un atome, le verra » (S99)
Mais quelle opinion avait cet homme de lui-même, celui au sujet duquel notre mère Aicha a dit lorsque le Prophète –- ordonna qu’il dirige la prière pendant sa maladie: « Ô Messager d’Allah, Abou Bakr est un homme larmoyant. Quand il dirige la prière, il pleure et les gens risquent de ne rien entendre. » Lorsqu’une délégation venue du Yémen entendit le Coran et en pleura, Abou Bakr les contempla et dit : « Nous étions comme vous avant que nos cœurs durcissent. » Ressentant de la pitié pour lui-même, il pleura ainsi que ses compagnons.
Par ailleurs, Abou Bakr fut à plusieurs reprises évoqué dans le Coran, par exemple dans le verset révélé au sujet de l’hégire : « Si vous ne lui portez pas secours, Dieu l’assista quand, banni par les dénégateurs avec un seul compagnon, tous deux se trouvaient dans la grotte. Lors il dit à son compagnon : "Ne sois pas triste : Dieu est avec nous". Et Dieu fit descendre sur lui Sa sérénité, le conforta d’armées invisibles à vos yeux, et mit à bas la parole des dénégateurs, alors que la Parole de Dieu fut la plus haute. Dieu est Tout-Puissant et Sage. » [S9/V40]. Abû Bakr est également désigné dans le verset : « Celui qui vient avec la Vérité et celui qui la confirme » [S39/V33].
Il est celui dont l’élan de générosité amena à dépenser toute sa fortune dans le sentier d’Allah. S’il possédait avant l’Hégire prés de 40 000 dirhams, dix ans plus tard à Médine, il n’avait plus que 5 000 dirhams pour toute fortune ! Le Coran dit à son sujet : « Alors qu’en sera écarté (le Feu) le pieux * qui donne ses biens pour se purifier * et auprès de lui, personne ne profite d’un bienfait intéressé * mais seulement pour la recherche de La Face de son Seigneur le Très-Haut * Et certes, il sera bientôt satisfait ! » (S92/V18 à 21). Le Prophète — — dit également à cet égard : « Aucun argent ne me fut plus utile que celui d’Abou Bakr » [Narré par Abû Hurayrah].
Un autre verset fut révélé au sujet d’Abou Bakr lorsque, à la suite de l’événement d’Al-Ifk [Une calomnie véhiculée par les Hypocrites touchant l’honneur de sa fille, la Mère de Croyants Aicha], il suspendit son assistance financière à Mistah Ibn Outhâthah qui avait contribué à faire circuler des rumeurs contre notre mère Aicha. Allah révéla alors le verset : « Et que les détenteurs de richesse et d’aisance parmi vous, ne jurent pas de ne plus faire don aux proches, aux pauvres, et à ceux qui émigrent dans le sentier d’Allah. Qu’ils pardonnent et absolvent. N’aimez-vous donc pas qu’Allah vous pardonne ? Et Allah est Pardonneur et Miséricordieux ! » (S24/V22)« J’aurais souhaité être un poil sur la poitrine d’Abû Bakr » [Omar Ibn Al-Khattâb]
Personne ne doute ni du rang dont jouissaient Abou Bakr et `Omar dans l’islam ni de l’amour que le Prophète — — leur réservait. Mais parce que rien ne satisfait les âmes passionnées sauf l’agrément de leur Créateur et que « ceux qui le convoitent (le Paradis) de rentrer en compétition (pour l’acquérir) » (S83/V26) Abou Bakr et `Omar ne cessaient de se concurrencer dans le domaine de la bienfaisance.
Un jour, alors que le Prophète et les Compagnons venaient d’accomplir la prière de l’Aube, le Messager d’Allah se tourna vers eux et demanda : « Qui parmi vous jeûne aujourd’hui ? » Personne ne répondit par l’affirmative excepté Abou Bakr. Le Prophète demanda : « Qui parmi vous a rendu visite à un frère malade aujourd’hui ? » Omar répondit : « Ô Messager d’Allah, nous venons à peine de finir la prière de l’aube. Comment peut-on l’avoir fait ? » Abou Bakr répondit avec humilité : « Moi, ô Messager d’Allah. J’ai appris que `Abd Ar-Rahmân Ibn `Awf était malade et je me suis rendu chez lui avant de venir à la mosquée. » Le Prophète demanda : « Qui parmi vous a versé une aumône aujourd’hui ? » `Omar répondit : « Ô Messager d’Allah, nous venons tout juste d’accomplir la prière et n’avons pas encore quitté nos places. Où pourrions-nous avoir croisé un pauvre pour l’aider ? » Abou Bakr répondit : « Sur mon chemin vers la mosquée, j’ai croisé un besogneux. Trouvant un morceau de pain dans les mains de mon petit-fils, je le lui ai donné. » Le Prophète dit : « Abou Bakr, le Paradis t’est annoncé comme bonne nouvelle. » Omar dit : « Abou Bakr, je n’arriverai jamais à te devancer ! »
Une situation similaire eut lieu lors de la bataille de Tabouk quand le Prophète — — appela les musulmans à contribuer généreusement au financement de l’armée. Omar conserva la moitié de sa fortune et offrit la seconde moitié au Prophète. Le Messager d’Allah lui demanda : « Qu’as-tu laissé à ta famille ? » Omar répondit : « La moitié de ma fortune. » Le Prophète lui dit : « Tu as bien fait. » Abou Bakr, quant à lui, ne garda que ses actifs immobiles et offrit l’intégralité de sa fortune au Prophète. Lorsque le Messager d’Allah l’interrogea sur ce qu’il avait laissé à sa famille, Abou Bakr répondit : « Je leur ai laissé Allah et Son Messager. » Omar dit alors : « Par Allah, dorénavant, je ne te devancerai jamais Abou Bakr ! »
Bien que le Paradis lui ait été promis, Abou Bakr cherchait en permanence à s’approvisionner pour sa vie dans l’au-delà par l’accomplissement d’œuvres surérogatoires. Un jour, décrivant le jour de la résurrection, le Prophète — — dit : « Chaque croyant sera appelé à rentrer au Paradis par l’une de ses portes. Quiconque appartient aux gens de la prière sera appelé par la porte de la prière. Quiconque appartient aux gens du jeûne sera appelé par la porte du jeûne. Quiconque appartient aux gens de l’aumône sera appelé par la porte de l’aumône. Quiconque appartient aux gens du jihaad sera appelé par la porte du jihaad. » Abou Bakr demanda alors s’il était possible que l’on soit appelé à rentrer par toutes ses portes. Le Prophète répondit : « Oui, Abou Bakr, et je souhaite que ce soit ton cas. »