Nul d’entre vous n’aura véritablement la foi tant qu’il n’aimera pas pour son frère croyant ce qu’il aime pour lui-même
D’après Anas qu’Allah soit satisfait de lui, le Prophète () a dit : « Nul d’entre vous n’aura véritablement la foi tant qu’il n’aimera pas pour son frère croyant ce qu’il aime pour lui-même. » Rapporté par Boukhari et Mouslim.
Ce hadith est mentionné dans les recueils de Boukhari et Mouslim, selon Qatâda, selon Anas. Dans la version de Mouslim il est dit : « tant qu’il n’aimera pas pour son voisin ou son frère croyant. » puisqu’un des rapporteurs avait un doute sur le terme exact.
Dans la version de Ahmad les termes sont les suivants : « Un fidèle n’atteindra pas la véritable foi tant qu’il n’aimera pas pour son frère croyant le bien qu’il aime pour lui-même. »
Cette dernière version de Ahmad met en évidence le sens voulu des termes de la version de Boukhari et Mouslim (que nous avons donc traduit conformément au sens voulu. NdT.). En effet, quand un hadith énonce qu’un homme n’a pas la foi, on veut signifier qu’il n’a pas atteint la véritable foi c’est à dire une foi complète ou aboutie. Dans plusieurs hadiths il est dit qu’un homme n’a pas la foi dans telle ou telle situation parce que c’est un des piliers de la foi ou une de ses obligations qui lui fait défaut. C’est le cas dans ce hadith : « Au moment où il commet son péché, le fornicateur n’est pas un (véritable) croyant. Au moment où il commet son péché, le voleur n’est pas un (véritable) croyant. Au moment où il commet son péché, le buveur d’alcool n’est pas un (véritable) croyant. »
C’est aussi le cas dans le hadith suivant :
« Celui dont les voisins ne sont pas à l’abri de sa malveillance n’est pas (véritablement) croyant. »
Les savants divergent au sujet de qui commet un péché majeur : doit-on dire que c’est un croyant à la foi défaillante ou ne doit-on pas dire que c’est un croyant ? Et dans ce cas, dire que c’est un musulman mais pas un croyant. Il y a deux avis sur cette question et ce sont deux versions attribuées à Ahmad.
Pour le musulman qui commet un péché mineur, on ne peut pas lui ôter la qualité de croyant dans sa totalité. C’est un croyant à la foi défaillante. Sa foi est défaillante en proportion des péchés qu’il commet.
L’avis qui stipule que l’auteur d’un péché majeur doit être désigné comme un croyant à la foi défaillante est rapporté par Jâbir ibn Abdillah. C’est aussi l’avis de Ibn Al-Mubârak, Ishâq, Abu ‘Ubayd et d’autres.
L’avis qui stipule qu’il doit être désigné en tant que musulman et non en tant que croyant est rapporté par Abu Ja’far Muhammad ibn Ali. Certains savants affirment que c’est l’avis choisi par les gens de la Sunna (Ahl Al-Sunna).
Ibn Abbâs a dit : « La lumière de la foi est ôtée à qui commet la fornication. »
Abu Hourayra a dit : « La foi lui est ôtée et elle plane au-dessus de lui comme son ombre. S’il se repent elle revient à lui. »
Abdullah ibn Ruwâha et Abu Al-Dardâ ont dit : « La foi est comme un vêtement. Un homme le porte par moment et l’enlève à d’autres moments. » L’imam Ahmad, qu’Allah lui fasse miséricorde, dit la même chose. Et d’autres savants sont de cet avis. Le sens de cette expression est le suivant : Si toutes les caractéristiques de la foi sont présentes alors le fidèle peut porter le vêtement de la foi. Mais si l’une d’entre elles vient à manquer alors il retire ce vêtement. Cette image sert à désigner la foi complète et aboutie à laquelle aucune de ses obligations ne manquent.
La finalité de notre propos est de dire que la foi comporte un certain nombre de caractéristiques obligatoires et parmi celles-ci, le fait qu’un homme aime pour son frère ce qu’il aime pour lui-même et déteste pour lui ce qu’il déteste pour lui-même. Et si cette caractéristique n’est pas présente chez lui alors sa foi sera considérée comme défaillante. Il a été rapporté du Prophète () selon Abu Hourayra, qu’il a dit : « Aime pour les gens ce que tu aimes pour toi-même et tu seras musulman. » Rapporté par Tirmidhi et Ibn Mâjah.
Ahmad rapporte un hadith de Mu’âdh ibn Jabal dans lequel il a demandé au Prophète () quelle était la meilleure foi et il lui dit : « La meilleure foi est que tu aimes et détestes pour Allah. Que tu utilises ta langue pour évoquer Allah. » Mu’âdh reprit : Et quoi d’autre Messager d’Allah ? Il dit : « Que tu aimes pour les gens ce que tu aimes pour toi-même et détestes qu’il leur arrive ce que tu détesterais qu’il t’arrive. Et que tu dises du bien ou garde le silence. »
Le Prophète () a d’ailleurs corrélé l’entrée au paradis à cette caractéristique. Dans le Musnad de l’imam Ahmad, qu’Allah lui fasse miséricorde, selon Yazîd ibn Asad Al-Qusarî, le Prophète () a dit : « aimes-tu le paradis ? » « Oui » lui dis-je. Il me dit alors : « Alors aime pour ton frère ce que tu aimes pour toi-même. »
Selon ‘Abdullah ibn ‘Amr ibn Al-‘As, qu’Allah soit satisfait de lui, le Prophète () a dit : « Que celui qui désire se préserver de l’Enfer et entrer au Paradis soit, à sa mort, de ceux qui croient en Allah et au Jour dernier, et qu’il traite les autres comme il aimerait lui-même être traité. » Rapporté par Mouslim.
D’après Abou Dharr, qu’Allah soit satisfait de lui, le Prophète () lui a dit : « Abu Dharr ! Je vois en toi de la faiblesse et je te veux du bien comme à moi-même. N’accepte donc jamais une autorité, pas même sur deux personnes, ni la responsabilité de gérer les biens d’un orphelin. » Rapporté par Mouslim.
Il lui a défendu ces choses parce qu’il a vu qu’il était faible pour le faire. Or, lui aime tous ceux qui sont faibles. Et il n’a pris en charge les affaires des gens uniquement parce qu’Allah lui a donné la force de le faire. Il lui a ordonné d’appeler tous les gens à lui obéir et à prendre la direction de leurs affaires mondaines et religieuses.
Il a été rapporté que Ali a dit : le Prophète () m’a dit : « J’agrée pour moi ce que j’agrée pour toi. Et je déteste pour toi ce que je déteste pour moi. Ne lis pas le Coran en état d’impureté rituelle majeure ni en position d’inclinaison ou de prosternation. »
Muhammad ibn Wâsi’ vendait un âne qui lui appartenait. L’acheteur lui dit : « L’achèterais-tu si tu étais à ma place ? » Il lui dit : « Si ce n’était pas le cas je ne le vendrais pas. » Il lui a fait comprendre qu’il n’agrée pour son frère uniquement ce qu’il agrée pour lui-même. Ceci fait partie du conseil sincère que l’on doit adresser à son prochain. Ce qui fait partie des préceptes de la religion comme nous l’avons expliqué. Nous avons déjà mentionné le hadith suivant :
Selon An-Nu’mân ibn Bachîr, qu’Allah les agrée lui et son père, le Messager d’Allah () a dit : « Les croyants, dans leur affection, leur miséricorde et leur compassion réciproques, sont semblables à un seul corps : lorsque l’un de ses membres se plaint, c’est tout le corps qui lui répond par l’insomnie et la fièvre. » Rapporté par Boukhari et Mouslim. Ceci prouve que le croyant est peiné et affligé par ce qui peine et afflige son frère.
Le hadith de Anas dont nous parlons indique qu’un croyant se réjouit de ce qui réjouit son frère et souhaite pour lui-même le bien qu’il souhaite pour son frère. Toutes ces bonnes intentions n’émanent que d’un cœur qui est complètement exempt de rancœur, de tromperie et de jalousie. En effet, la jalousie implique que le jaloux répugne à ce qu’une personne le surpasse ou l’égale dans un bien parce qu’il aime se distinguer des gens par ses mérites et être le seul à les posséder. Or, avoir une foi complète implique de ressentir le sentiment inverse. C’est-à-dire que tous les croyants soient associés avec lui dans le bien qu’Allah lui a donné sans que rien ne lui en manque.
Allah a loué dans le Coran ceux qui ne cherchent pas à s’élever sur terre ni à commettre le péché. Il dit :
« Nous destinons cette demeure dernière à ceux qui ne cherchent ni à s’élever sur terre, ni à commettre le péché. » (Coran 28/83).
Al-Tabari rapporte de Ali, qu’Allah l’agrée, selon une chaine de transmission qui n’est pas exempte de reproche : « Quand un homme s’émerveille que le lacet de sa sandale soit plus beau que celui de son frère il est concerné par ce verset : « Nous destinons cette demeure dernière à ceux qui ne cherchent ni à s’élever sur terre, ni à commettre le péché. » Al-Fudayl a rapporté la même chose au sujet de ce verset : « Il ne préfère pas que ses lacets soient meilleurs que ceux de son frère ni que ses sandales soient meilleures que les siennes. »
Certains savants ont dit qu’il fallait comprendre ces propos dans le sens où un homme souhaiterait s’enorgueillir par rapport à son frère et non uniquement s’il veut se faire beau. ‘Ikrima et d’autres exégètes ont dit au sujet de ce verset : Chercher à s’élever sur terre signifie faire preuve d’orgueil, chercher les honneurs et un haut rang auprès des autorités. Le péché c’est désobéir à Allah.
Il est dit dans un hadith que celui qui répugne à ce qu’un homme soit plus beau que lui ne commet pas de péché. L’imam Ahmad, qu’Allah lui fasse miséricorde, et Al-Hâkim dans son Sahîh, rapportent un hadith de Ibn Mas’ûd, qu’Allah l’agrée, il dit : « Je suis venu voir le Prophète () et Malik ibn Marâra Al-Rahâwî se trouvait avec lui. J’étais présent quand il dit : « ô messager d’Allah, Allah m’a accordé une part de beauté que tu peux constater et je ne souhaite pas que quiconque me surpasse ne serait-ce que par ses sandales ou plus. N’est-ce pas de la transgression que de ressentir cela ? » « Non, ce n’est pas de la transgression. La transgression consiste à nier la vérité – ou il a dit à la dénigrer – et mépriser les gens. »
Abu Daoud rapporte un hadith de Abu Hourayra au sens identique avec le terme « orgueil » à la place du terme « transgression ».
Le hadith stipule bien que celui qui répugne à ce qu’un homme le surpasse en beauté ne fait pas preuve de transgression ou d’orgueil. Il a expliqué le sens de la transgression et de l’orgueil en disant qu’il s’agit de mépriser la vérité, de s’enorgueillir et de refuser de l’accepter par arrogance quand elle contrevient à nos passions. C’est pour cela qu’un prédécesseur a dit : « L’humilité consiste à accepter la vérité de quiconque la présente même si c’est un petit. Qui accepte la vérité de qui la présente, qu’il soit petit ou grand, qu’il l’aime ou ne l’aime pas, alors c’est quelqu’un d’humble. Et qui refuse la vérité en la prenant de haut alors c’est un orgueilleux.
Mépriser les gens c’est les rabaisser et les considérer comme inférieurs. Ceci arrive quand on se croit meilleur qu’eux et qu’on considère les autres en dessous de nous.
De façon générale, le croyant devrait aimer pour les croyants ce qu’il aime pour lui-même et détester pour eux ce qu’il déteste pour lui-même. Et s’il voit un défaut dans la pratique religieuse de son frère alors il s’efforce de le rectifier.
Un pieux prédécesseur a dit : « Les hommes qui aiment pour Allah regarde les choses avec la lumière d’Allah. Ils sont compatissants avec ceux qui commettent des péchés. Ils exècrent leurs œuvres mais restent compatissants envers eux pour les détourner de commettre ces forfaits en usant de bonnes exhortations. Ils ont peur pour leurs corps qu’ils soient touchés par le feu de l’enfer. Et le fidèle ne sera véritablement croyant uniquement lorsqu’il sera satisfait de ce qui arrive aux gens au même point que ce qui le satisfait lui-même. S’il constate qu’un homme a un mérite qu’il ne détient pas alors il souhaite obtenir le même. Si c’est un mérite religieux alors c’est une bonne chose. En effet, le Prophète () a souhaité obtenir le rang de martyr.
Le Prophète () a dit : « Il n’est permis d’envier que deux types de personnes : celui à qui Allah a accordé des biens qu’il dépense nuit et jour dans les bonnes œuvres. Et celui à qui Allah a fait don de la connaissance du Coran dont il applique nuit et jour les enseignements. »
Il dit au sujet de celui qui a vu un homme dépenser son argent dans l’obéissance d’Allah dire : « Si j’avais de l’argent j’en aurais fait de même. » Il dit : « Ils auront la même récompense. »
En revanche, s’il s’agit d’un mérite relatif à un bien de ce monde alors il n’y a aucun bien à espérer l’obtenir comme le dit Allah dans ce verset :
« Coré se présenta un jour devant son peuple entouré de tout son faste. Ceux qui convoitaient les plaisirs terrestres s’exclamèrent : « Puissions-nous posséder les mêmes richesses que Coré qui, incontestablement, a été comblé ! » Ceux qui avaient reçu la science répliquèrent : « Malheur à vous ! La récompense promise par Allah à ceux qui ont la foi et font le bien est meilleure que toutes ces richesses. » (Coran 28 /79-80).
Quant au verset suivant :
« Ne convoitez pas les faveurs qu’Allah a réservées à certains d’entre vous. » (Coran 4 /32).
Certains exégètes ont dit qu’il s’agissait de la jalousie. La jalousie consiste à ce qu’un homme souhaite obtenir la même chose que son frère que ce soit sa famille ou son argent et que ce bienfait se retrouve en sa possession. D’autres soutiennent qu’il s’agit d’espérer obtenir ce qui est impossible sur le plan religieux ou concrètement. Par exemple, que des femmes espèrent être des hommes ou obtenir les mêmes mérites qu’eux sur le plan religieux comme participer aux combats. Ou obtenir un mérite sur le plan mondain comme obtenir une part de l’héritage identique à celle des hommes ou leur raison ou le même statut en termes de témoignage ou autre. D’autres enfin disent que ce verset englobe tout ce que nous venons de citer.
Avec tout ceci, le fidèle devrait éprouver de la tristesse si des mérites religieux venaient à lui faire défaut. C’est pour cela qu’on nous a demandé de regarder ceux qui dans la religion étaient au-dessus de nous et de les concurrencer en déployant notre énergie et nos efforts. Comme Allah le dit : « Que ceux qui aspirent à cette félicité rivalisent donc de piété. » (Coran 83 /26). Il ne devrait pas répugner qu’un de ses frères dispose de ce même mérite et devrait même aimer que tous les gens le concurrencent pour l’obtenir et les encourager en ce sens. Cela participe du plus complet conseil que l’on peut adresser à ses frères.
Comme l’a dit Al-Fudayl ibn ‘Iyâd : « Si tu souhaites que les gens aient le même niveau que toi alors tu n’as pas réellement réalisé le devoir de conseil sincère que tu dois. Alors qu’en est-il si tu souhaites qu’ils soient en dessous de toi ?! » Il veut dire que le devoir de conseil exige qu’on aimerait que son prochain soit d’un rang supérieur au sien. Et atteindre un tel niveau et des degrés aussi haut n’est pas quelque chose d’obligatoire. Ce que la religion exige de nous est que l’on souhaite que notre prochain soit du même niveau que nous.
Ainsi, si un homme est au-dessus de nous par un mérite religieux alors on fera un effort pour atteindre son niveau et on s’attristera pour la négligence dont on a fait preuve et ne pas avoir pu atteindre le niveau des meilleurs croyants. Non pas par jalousie de ce qu’Allah leur a donné mais par esprit de concurrence, en espérant obtenir ce qu’ils ont sans pour autant souhaité que cela leur échappe. On sera aussi triste pour avoir fait preuve de négligence et ne pas avoir atteint les degrés des meilleurs croyants.
Le croyant doit toujours considérer être négligent par rapport aux hauts degrés. Il en tire deux avantages précieux : Il fournit plus d’efforts pour acquérir davantage de mérites et les accumuler. Il regarde sa propre personne en considérant qu’il est défaillant. Il en ressortira qu’il aimera pour les croyants qu’ils soient mieux que lui parce qu’il ne se satisfait pas qu’ils soient à son niveau tout comme il ne se satisfait pas d’être au niveau qu’il occupe. Il s’efforce d’ailleurs de se réformer.
Muhammad ibn Wâsi’ dit à son fils : « Quant à ton père, qu’Allah ne multiplie pas les gens comme lui parmi les musulmans. »
Celui qui n’est pas satisfait de son niveau en religion, comment pourrait-il souhaiter que les autres musulmans aient son niveau alors qu’il se doit de leur adresser un conseil sincère ? Il doit aimer que les musulmans aient un meilleur niveau que le sien tout en souhaitant améliorer son niveau.
Si un fidèle sait qu’Allah lui a fait don d’un mérite en particulier, il pourra en informer les gens si cela présente un intérêt religieux. En parler entrera dans le cadre de mentionner les bienfaits d’Allah dont on a été comblé. On considérera toujours ne pas être suffisamment reconnaissant. Agir ainsi, est permis. Ibn Mas’ûd a dit : « Je ne connais personne qui connait mieux que moi le Coran. » Et ceci n’empêche pas d’aimer que les gens acquièrent eux aussi ce mérite. Ibn Abbâs a dit : « Il m’arrive de lire un verset du Coran et je souhaite que tous les gens en sachent autant que moi à ce sujet. » Al-Châfi’î a dit : « J’aurais souhaité que les gens apprennent ce savoir sans que rien ne m’en soit attribué. » ‘Utba Al-Ghoulam disait quand il s’apprêtait à rompre un jour de jeûne en s’adressant à ceux qui autour de lui savaient qu’il avait jeûné : « Donnez-moi de l’eau et des dattes pour que vous puissiez obtenir la même récompense que moi. »