Le papier a été inventé vers 2700 avant J.-C., c’est ainsi que les Egyptiens mirent au point une matière sur laquelle il était possible d’écrire, cette matière, dont la fabrication était peu coûteuse, n’était autre que le papyrus. Ce fut là l’une des inventions les plus importantes de toute l’histoire de l’humanité. Notons qu’avant cette dernière invention, l’écriture – qui apparut au quatrième millénaire avant J.-C. – se faisait sur des pierres ou des tablettes d’argile, lesquelles étaient notamment employées à cet effet par les Sumériens qui les préféraient aux tablettes de pierre car elles étaient moins difficiles à concevoir que ces dernières.
Il faut bien comprendre que la fabrication du papyrus résolut définitivement les problèmes que posaient le fait d’écrire sur des pierres ou des tablettes d’argile, car en effet les textes littéraires ou scientifiques par exemple étaient souvent très longs et nécessitaient donc des quantités formidables de pierres taillées ou de tablettes d’argile qu’il fallait faire cuire dans des fours, ces dernières étaient conservées dans des couvertures d’argile après qu’on y eut appliqué de la poudre de limon séché qui empêchait la tablette de se coller à sa couverture, couverture qu’il fallait naturellement briser avant de pouvoir lire ce qui était écrit sur la tablette qu’elle protégeait.
Par ailleurs, si un individu voulait lire tel ou tel texte, il était contraint de soulever des pierres et des pierres jusqu’à ce qu’il trouve le contenu ou le livre qu’il recherchait, il est évident que le fait de porter et de déplacer ces livres d’un endroit à un autre représentait un travail extrêmement harassant.
Il a été rapporté qu’Alexandre le Grand – après qu’il se fut emparé de la cité de Babylone – donna l’ordre que soient transportées les milliers de tablettes d’argile babyloniennes traitant des diverses sciences jusque dans les villes grecques se trouvant sur les côtes de la mer Méditerranée afin qu’elles y soient traduites en grec, ces tablettes furent donc transportées par d’immenses caravanes de chameaux. Comprenons bien que si le papyrus n’avait pas été inventé, l’humanité aurait perdu une grande partie de l’héritage culturel et scientifique des grandes civilisations anciennes – comme l’Egypte ancienne notamment – ce qui aurait eu à n’en pas douter un immense impact sur l’histoire de la culture et des sciences.
Notons que les gens de l’ancienne Egypte fabriquèrent de l’encre à partir de la poudre de certains métaux, de même qu’ils firent des plumes à partir des épines de certaines plantes. L’histoire a immortalisé les efforts que les Egyptiens fournirent dans le domaine de l’écriture et du papier par le fait que dans la plupart des langues à travers le monde le mot « papier » vient directement du mot égyptien « papyrus » ; quant au mot arabe « waraq », qui veut dire papier, il vient du mot « riqq » qui signifie « cuir laminé ».
Signalons que le papyrus fut utilisé pour l’écriture jusqu’au XIe siècle après J.-C., c’est ainsi notamment qu’en 1032 les écrits émanant de la papauté furent rédigés sur du papyrus.
En ce qui concerne le papier utilisé actuellement, il faut savoir qu’il est fabriqué à partir d’une pâte faite de la pulpe de l’arbre, c’est là une invention qui nous vient de la Chine et qui remonte au deuxième siècle après J.-C. Si la fabrication de ce papier est bien différente de celle du papyrus des Egyptiens, l’idée reste la même, c’est-à-dire que dans les deux cas il s’agit de fabriquer de fines tranches à partir d’une matière souple sur lesquelles il est possible d’apposer une écriture.
Entre la soie et le bois :
Le premier pas accompli dans le processus d’élaboration de cette innovation extraordinaire fut fait grâce à la découverte d’une matière sur laquelle il était plus facile d’écrire que sur la soie ou le bois, deux matières qui furent très longtemps utilisées par les Chinois à cet effet ; de plus, si la soie coûtait très cher, le bois était quant à lui très lourd, il fallait donc avoir recours à des chariots afin de transporter les tablettes faites dans cette dernière matière, le lecteur se devait en outre de compulser des dizaines voire des centaines de kilos de bois avant d’arriver au bout d’un texte scientifique ou littéraire.
Ainsi, c’est en l’an 105 après J.-C. que le Chinois Tsai Ai Lung fabriqua du papier à partir de l’écorce d’arbre et de filets de pêche, par la suite les Chinois améliorèrent encore cette fabrication originale en y ajoutant une matière collante, qui était en fait une sorte de colle faite à partir d’une gélatine mélangée avec de la farine de féculent, laquelle servait à protéger la fibre du bois et permettait également que le papier absorbe rapidement l’encre qui y était apposée.
Il semblerait que pendant longtemps le papier chinois eu une diffusion fort limitée, on n’en a par exemple aucune trace dans les autres civilisations durant les siècles qui suivirent son invention. Même les Arabes préislamiques, qui commerçaient déjà avec l’Inde et la Chine depuis de nombreux siècles, n’eurent pas l’idée d’en acheter afin d’en faire commerce ; par ailleurs, il semblerait que l’Europe n’entendit parler du papier chinois seulement après que les musulmans l’eurent développé. Cette indifférence arabe et occidentale peut s’expliquer par le fait que l’écriture et le savoir étaient dans ces deux mondes durant le haut Moyen Age très marginaux et la préoccupation d’une infime élite de lettrés qui pouvaient se contenter des méthodes traditionnelles d’écriture.
Le papier dans la civilisation islamique :
Les Arabo-musulmans purent s’initier aux secrets de la fabrication du papier chinois après qu’ils eurent conquis la ville asiatique de Samarkand en l’an 712. Et c’est donc à l’époque du règne du calife abbasside Hârûn al-Rachîd (786-809), en 794 exactement, qu’al-Fadl ibn Yahya fonda la première fabrique de papier de Bagdad. Puis, après ce premier pas fondamental, cette manière de faire du papier se diffusa à une vitesse extraordinaire aux quatre coins du monde musulman, elle pénétra ainsi en Syrie, en Egypte, dans les régions d’Afrique du Nord puis elle arriva jusque dans l’Espagne musulmane. Il faut savoir que jusqu’à la diffusion de cette technique proprement révolutionnaire, les musulmans de ces contrées écrivaient sur des parchemins, du bois ou des pierres minces et blanches, puis c’est alors que Hârûn al-Rachîd ordonna, après que les quantités de papiers en circulation furent suffisantes, que les gens n’écrivent exclusivement que sur ce nouveau support.
Les musulmans continuèrent à développer la fabrication du papier jusqu’à ce que les fabriques musulmanes de papier arrivent à produire du papier d’une très grande qualité, ce qui eut évidemment pour conséquence de faciliter la production de livre grâce à une technique qui n’existait absolument pas avant l’avènement de la civilisation islamique. Par conséquent, il faut signaler qu’en moins d’un siècle les musulmans réussirent à fabriquer et éditer des centaines de milliers d’exemplaires de livres scientifiques, littéraires, religieux ou artistiques, lesquels ouvrages allèrent remplir les centaines de bibliothèques publiques ou privées qu’on trouvait alors un peu partout dans le monde musulman de Cordoue à la Chine en passant par Samarkand.
A cette même époque d’explosion de l’utilisation du papier dans tout le monde musulman, les Européens écrivaient encore sur des parchemins faits en peaux de bêtes et les moines avaient pris l’habitude d’effacer de grands textes de la Grèce antique qui étaient inscrits sur des parchemins afin d’y écrire à la place leurs textes religieux, et c’est donc à cause de ce procédé que furent perdus une grande part de l’héritage scientifique et culturel des Grecs.
Le rôle du papier dans la diffusion de la science :
Il est évident que le développement de l’industrie du papier permit que soient diffusés les livres un peu partout, et notamment durant l’âge d’or de la civilisation islamique, c’est-à-dire au Xe siècle, période durant laquelle on trouvait une bibliothèque conséquente dans à peu près toutes les mosquées de l’empire, de même que les élites dirigeantes et les notables rivalisaient dans l’accumulation et la possession d’ouvrages et en tiraient une grande fierté, et certains d’entre eux ouvraient les portes de leurs bibliothèques aux savants et autres étudiants pour qu’ils en profitent. Il faut savoir qu’à l’époque Bagdad comptait dans ses murs 36 bibliothèques, et ce, avant que ces dernières soient détruites par la barbarie mongole. Par ailleurs, en Andalousie, le calife al-Hakam faisait envoyer des hommes dans toutes les contrées orientales de l’empire musulman afin que ces derniers achètent pour lui tous les livres qu’ils y trouveraient ; il faut savoir en outre que le catalogue de sa bibliothèque se composait de 44 cahiers de chacun vingt pages, lesquelles étaient toutes recouvertes des noms des livres en sa possession. Quant à l’Egypte, il nous faut rappeler que le calife al-‘Azîz, qui mourut à la fin du Xe siècle, possédait une bibliothèque énorme dans laquelle se trouvaient tous les ouvrages importants et connus à l’époque. Enfin, signalons que le juge Abû al-Mutraf, décédé en 1011, avait composé à Cordoue une bibliothèque qui était sans égale dans toute l’Andalousie musulmane.
En guise de conclusion, nous pouvons répéter une autre fois que l’invention du papier que nous connaissons aujourd’hui fut une révolution pour la diffusion du savoir et des connaissances qui fut dès lors « démocratisée » et facilitée, ce qui éleva considérablement le niveau d’éducation dans toutes les sociétés musulmanes, et permit l’émergence, sur le grand nombre de personnes initiées aux diverses sciences via les livres désormais plus faciles à acquérir, des générations de savants et de oulémas qui firent faire à la Civilisation humaine un grand pas en avant.
Hind ‘Abd al-Halîm Mahfûdh
Source : Islamstory, traduction Islamweb.