L’Islam combat très vigoureusement le riba. Il a annoncé à celui qui le pratique la guerre de la part d’Allah, exalté soit-Il, et de Son Messager () et lui promet de se tenir le Jour du Jugement dernier comme celui que le toucher de Satan a bouleversé.
Allah, exalté soit-Il, dit dans ce sens :
« Ô vous qui avez cru ! Craignez Allah et renoncez à ce qui reste des gains usuraires (riba) si vous êtes croyants. Si vous ne le faites pas, attendez-vous à une guerre de la part d’Allah et de Son Messager. Et si vous vous repentez, vous aurez toujours vos capitaux : vous ne léserez point et vous ne serez point lésés. » (Coran 2/278 et 279)
« Ceux qui mangent [pratiquent] de l'intérêt usuraire (riba) ne se tiennent (au Jour du Jugement dernier) que comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé. » (Coran 2/275)
Cet avertissement est resté vivace dans la conscience collective des musulmans à travers les siècles jusqu’à l’ère récente de la domination coloniale. La société musulmane s’est alors généralement abstenue de pratiquer le riba et a réussi à organiser ses activités économiques et commerciales sans le recours au prêt à intérêt identifié sans ambiguïté au riba prohibé par le Coran. La domination coloniale, précédée et accompagnée d’une indigence intellectuelle généralisée, a certes ouvert la voie à l’implantation en terre d’Islam de banques opérant sur la base de l’intérêt. Mais cette intrusion d’un corps étranger aux normes de l’Islam n’a pas pu, malgré les pressions, avoir raison de la résistance des savants et des personnes ordinaires à la pratique de l’intérêt. Au niveau doctrinal, certains ont bien essayé, mais en vain, de distinguer l’intérêt du riba et de donner ainsi une légitimité à la pratique de l’intérêt. Le consensus des juristes musulmans, tel exprimé par les résolutions des académies du fiqh, rejette fermement toute distinction entre l’intérêt et le riba. Au niveau de la pratique, bien que beaucoup se soient sentis obligés de traiter avec les banque conventionnelle sur la base de l’intérêt, la plupart l’ont fait par manque d’alternatives et par nécessité plutôt que par conviction. De plus une couche importante de la société s’est toujours abstenue de toute relation avec les banques, pour éviter précisément la pratique du riba. Dans ce contexte, la création de banques islamiques est non seulement un instrument de réconciliation de la pratique avec les convictions, mais aussi un moyen efficace de mobiliser des ressources supplémentaires qui étaient auparavant gelées pour des raisons religieuses. En réponse à ce besoin, à la fois spirituel et matériel, des efforts considérables ont été déployés en vue de promouvoir une nouvelle forme d’activité bancaire : la banque islamique.
C’est ainsi qu’une littérature abondante s’est accumulée au fil des années sur le système bancaire islamique, sa viabilité, ses caractéristiques et ses modes de fonctionnement. Les écrits des pionniers s’attachaient à critiquer le système bancaire dominant et à démonter la faisabilité d’un système alternatif débarrassé de l’intérêt. Ils ont élucidé les fondements éthiques qui sous-tendent la banque islamique et proposé des esquisses d’un système bancaire islamique basé sur la participation aux pertes et profits et faisant usage des formes de participation connues du fiqh traditionnel comme la murâbaha, la muchâraka et la mudhâraba. Ces écrits théoriques ont pu être mis en pratique au sein des premières banques islamiques qui virent le jour durant la seconde moitié des années soixante-dix.