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Les motifs du déclenchement des croisades et les facteurs de leur réussite II

Les motifs du déclenchement des croisades et les facteurs de leur réussite II

 Le rôle des Juifs :

De son côté, le docteur Mahmûd ‘Atâ Allah fait le lien entre les Juifs d’Europe et la préparation des expéditions militaires en Terre sainte, selon lui : « Les intérêts des Juifs riches d’Europe s’accordaient avec ceux des féodaux qui étaient prêts à conquérir de nouveaux territoires par les armes, c’est pourquoi les premiers, qui virent là une occasion d’enrichissement, soutinrent l’idée d’une expédition armée vers l’Orient de toutes leurs forces et avec tous les moyens qui étaient à leur disposition. Ainsi, le Juifs firent la promotion de ce projet belliqueux en tentant notamment de convaincre les indécis d’y participer, ils donnèrent beaucoup de leur argent afin de financer l’enrôlement des soldats et de soudoyer les déserteurs ; ils consentirent tous ces efforts, et notamment financiers, car ils virent dans les croisades une occasion en or de faire des prêts usuriers aux chefs de ces expéditions, qui étaient tous des féodaux, ainsi qu’aux autorités ecclésiastiques. Pour les Juifs, le but de cette manœuvre était évidemment de s’enrichir, mais aussi de noyer leurs emprunteurs sous des dettes et donc de pouvoir exercer sur eux une certaine pression et une influence, ils pouvaient en somme d’un seul coup affaiblir à la fois l’Islam et la chrétienté, d’autant plus que le serment de ‘Umar qui garantissait un accès des chrétiens à Jérusalem, comme ces derniers le souhaitaient, stipulait qu’aucun Juif ne s’installe dans la ville sainte ».

Réfutation des allégations sur la prétendue persécution des chrétiens de Terre sainte :

Ainsi, nous avons vu précédemment que les motifs et facteurs qui motivèrent et déclenchèrent les croisades sont fort variés ; partant, il est impossible d’affirmer que ces expéditions guerrières en Orient n’avaient qu’un but religieux. Cependant, Urbain II, pour motiver ses ouailles et les pousser à rejoindre les armées du Christ, usa beaucoup du motif religieux, il exacerba les passions de ses fidèles en prétendant notamment que les pèlerins occidentaux venus visiter la Terre sainte en général et Jérusalem en particulier s’exposaient systématiquement à de graves persécutions religieuses de la part des Turcs musulmans. A ce propos, on trouve dans un livre intitulé Ahsan al-taqâsîm fî ma’rifat al-aqâlîm, dont l’auteur est al-Maqdisî (Xe siècle de l’ère chrétienne), une description précise des conditions de vie des ahl al-dhimma (gens du Livre vivant sous domination musulmane et payant un impôt spécifique) vivant à al-Quds/Jérusalem, selon l’auteur « les chrétiens étaient parmi eux les plus nombreux », et ailleurs il dit que « les chrétiens étaient bien plus nombreux que les Juifs » ; ce témoignage ancien démontre que les chrétiens qui vivaient à Jérusalem avant les croisades étaient respectés et protégés par les autorités musulmanes.
De son côté, le grand voyageur perse Nâsir-i Khusraw, qui visita la Palestine et notamment Jérusalem quarante ans avant la venue des Croisés, affirma la chose suivante : « Les pèlerins chrétiens pouvaient accéder à tous les lieux saints de manière totalement libre ».

Par ailleurs, les auteurs contemporains spécialistes des croisades n’ont pas manqué de rappeler de leur côté que les chrétiens de Terre sainte vivaient sous domination musulmane dans de bonnes conditions ; par exemple, le professeur Ra`îf Mîkhâ`îl al-Sâ’âtî a affirmé dans un article publié dans la revue Al-râ’î al-sâlih : « Les chrétiens étaient à cette époque les frères des musulmans en ce sens qu’ils partageaient avec eux la même langue et la même patrie, de même que les califes musulmans octroyaient à ceux qui parmi eux avaient de grandes aptitudes des postes à responsabilités dans l’administration » ; le professeur a également dit : « Les persécutions religieuses que purent subirent les chrétiens de Terre sainte à certains moments étaient très limitées, c’est ainsi qu’ils durent parfois faire face à certaines tracasseries sans gravité de la part des chefs seldjoukides, de même que les persécutions contre eux les plus sérieuses avaient été le fait du calife fatimide al-Hâkim (au début du Xe siècle) qui était un personnage lunatique et presque fou et qui s’en prenait également aux musulmans placés sous son autorité » ; notons qu’un autre spécialiste du domaine, le professeur Amîr Sayyid ‘Alî, a confirmé cette réalité dans son ouvrage Mukhtasar târîkh al-‘Arab wa-l-tamaddun al-islâmî.
Il y a en outre dans les écrits et ouvrages de certains historiens occidentaux traitant de ce sujet des arguments irréfutables démontrant que les allégations concernant des prétendues persécutions religieuses contre les chrétiens d’Orient avant les croisades sont totalement erronées ; à titre d’exemple, on peut citer le grand spécialiste des croisades, Claude Cahen, qui dans son livre Orient et Occident au temps des croisades a démontré que les chrétiens de Terre sainte vivaient très bien leur condition d’ahl-dhimma et donc qu’il était injustifié que l’Eglise utilise l’argument des persécutions religieuses pour soutenir le projet d’une expédition militaire en Orient. Il faut sans doute voir dans cette tolérance musulmane vis-à-vis des minorités chrétiennes les effets du serment de ‘Umar fait par le calife ‘Umar ibn al-Khattâb aux chrétiens de Jérusalem au moment de la conquête de cette ville par les musulmans, lequel serment, qui posa les bases des relations islamo-chrétiennes à Jérusalem et dans les autres régions de la Terre sainte, garantissait aux chrétiens « la protection de leurs personnes, de leurs biens, de leurs églises et de leurs croix […] de plus, leurs églises ne peuvent être réquisitionnées pour servir de logements, elles ne peuvent pas être détruites ou voir leur superficie réduite, rien ne peut être fait contre la croix des chrétiens, personne ne peut attenter à leurs biens et leurs argents, on ne peut les haïr en raison de leur foi et de leur religion ».
Le chercheur Walîd al-Khâlidî va encore plus loin en affirmant que les contentieux et frictions qui survinrent à Jérusalem autour des lieux saints à l’époque où celle-ci était sous domination musulmane ne se passèrent pas entre le pouvoir musulman et les communautés chrétiennes ou juives, mais plutôt entre les diverses communautés chrétiennes de cette ville, et notamment entre les communautés orientales elles-mêmes (orthodoxes, arméniennes, syriaques, etc.) ou entre ces dernières et les communautés occidentales (catholiques). En fait, durant les longs siècles de domination du pouvoir musulman sur cette région, ce dernier joua le rôle de juge de paix entre ces diverses églises chrétiennes qui s’affrontaient souvent mutuellement afin d’affirmer leurs droits sur les lieux saints, il était le garant de la bonne application d’un système de statu quo qui était composé d’un ensemble de coutumes et de lois concernant ces différents droits ; lesquels lois et coutumes prirent forme au fil du temps avec l’assentiment des Eglises locales et des autorités ecclésiastiques occidentales, et c’est le pouvoir musulman qui était chargé de les appliquer afin de régler des problèmes qui apparaissaient souvent autour des lieux saints chrétiens.

Les causes directes des croisades :

Outre le désir de venger l’humiliation de la défaite de Manzikert en 1071, l’autre cause directe du déclenchement des croisades fut sans conteste le témoignage de Pierre l’Hermite qui était un anachorète illuminé. Ce dernier, qui effectua un pèlerinage en Terre sainte, prétendit à son retour en France qu’il avait été l’objet, lui-même et ses compagnons, de vexations et d’humiliations de la part des autorités musulmanes, il rencontra alors le pape Urbain II et lui demanda expressément de tout faire pour sauver les lieux saints chrétiens d’Orient, puis il décida de parcourir divers pays et régions d’Europe (France, Allemagne, Belgique, etc.) afin d’appeler les masses à sauver le Saint-Sépulcre (le tombeau du Jésus selon les chrétiens), c'est-à-dire le lieu le plus sacré pour les chrétiens de Moyen Age, qui était menacé par les barbares musulmans, selon les chroniques de l’époque, Pierre avait un vrai talent d’orateur et il savait émouvoir et enflammer les foules, son action eut sans conteste une grande influence à la fois sur les plus hautes autorités de l’Eglise et sur les peuples d’Occident.
La conséquence la plus évidente de ce mouvement populaire fut le discours tenu par Urbain II à Clermont en novembre de l’année 1095 ; ce discours mémorable fut sans nul doute l’élément déclencheur des expéditions militaires vers l’Orient, il permit d’unifier les points de vue et d’annihiler pour un temps les divergences entre les Eglises orientale et occidentale. Lors de ce discours, le pape ordonna aux princes féodaux et aux chefs religieux qui étaient présents à Clermont d’arborer une croix rouge, et d’ailleurs ordre fut donné à tous ceux qui allaient participer à cette expédition d’en faire autant, cette croix allait devenir le symbole de ce combat que ces hommes pensaient spirituel et accompli au nom du Christ, toutefois il fut dans les faits fort éloigné du message de paix qui est au cœur des Evangiles. C’est ainsi qu’environ deux ans après ce discours, en 1097, les « armées du Christ » se mirent en branle et se dirigèrent finalement vers l’Orient afin de sauver le Saint-Sépulcre, il s’agissait là de ce qu’on appela plus tard la Première croisade, celle qui aboutit à la prise de Jérusalem par les chrétiens en 1099.

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