Comment le Prophète () n’a-t-il pas multiplié le jeûne pendant le mois de Muharram, bien qu’il l’ait qualifié de meilleur jeûne, au moment où il a recommandé un jeûne surérogatoire récurrent pendant le mois de Cha’bân ?
Cité par Ibn Hadjar, al-Nawawî répliqua à cette objection en disant : « Il est probable que le Prophète () n’ait connu le mérite du jeûne du mois de Muharram qu’à la fin de sa vie et que, par conséquent, il n’ait pas eu le temps d’y multiplier le jeûne. Il est également probable qu’il ait eu des excuses – des voyages ou une maladie par exemple – qui l’en ont empêché ».
Selon Ibn Radjab, qu'Allah lui fasse miséricorde, le jeûne du mois de Cha’bân est meilleur que celui du mois de Moharram, d’autant plus que al-Tirmidhî a affirmé : 'Le jeûne de Cha’bân est comparable à la prière surérogatoire, accomplie avant et après la prière prescrite. Par conséquent, la disposition dans le hadith suivant : « Le meilleur jeûne après le jeûne du ramadan est celui du mois de Muharram » s’applique au jeûne surérogatoire en général. Quant au jeûne effectué juste avant ou après le mois de Ramadan, son mérite sera lié à celui de ce dernier ». Et d’ajouter : « Il est (c'est-à-dire le mois de Cha’bân) situé entre deux nobles mois : le mois sacré et le mois du jeûne ».
D’après Mu’âdh ibn Djabal, qu'Allah soit satisfait de lui, le Prophète () a dit :
« La nuit du milieu du mois de Cha’bân, Allah observe toutes Ses créatures, et Il leur accorde à toutes Son pardon, à l’exclusion du polythéiste ou du rancunier » [al-Tabarânî (al-Albânî : sahîh)].
Conclusion sur le jeûne de la mi-Cha’bân :
Dans les Fatwas égyptiennes, le Cheikh de l’Islam Ibn Taymiya, qu'Allah lui fasse miséricorde, souligna : « Quant à la nuit de la mi-Cha’bân, elle jouit d’un mérite particulier et certains prédécesseurs la veillaient en prière. Cependant, le rassemblement des gens à la mosquée pour la célébrer constitue une bid’a, car les prédécesseurs la veillaient en prière chez eux, tout comme la prière nocturne en général. Si parfois certains se rassemblent pour y effectuer une prière en commun, sans que cela ne devienne une habitude, comme l’a fait le Prophète () en dirigeant la prière de Ibn ‘Abbâs et Hudhayfa, qu'Allah soit satisfait d'eux, il n’y a pas de mal à cela. Et pourtant, ces réunions bid’a doivent être interdites par le responsable compétent ». Ibn Radjab, qu'Allah lui fasse miséricorde, renchérit : « C’est l’avis de l’Imam al-Awzâ’î, jurisconsulte et savant de la Grande Syrie, et qui constitue l’avis le plus correct, in châ Allah ».
Quant au hadith suivant : « Cessez de jeûner dès la mi-Cha’bân », il a été narré par Ahmed, en plus des auteurs des Sunan, et a été jugé da’îf par Ibn Mahdî, Ahmed, Abû Zur’ah et al-Athram. Ahmed l’a narré dans le contexte du hadith suivant : « Ne jeûnez pas un jour ou deux juste avant le début du Ramadan », ce qui laisse comprendre qu’il est permis de jeûner avant ces deux jours. Pour sa part, al-Tahâwî estime que la disposition de ce hadith a été abrogée et que, selon l’avis prépondérant des oulémas, elle ne doit pas être mise en vigueur. Quant au jour de la mi-Cha’bân, il n’est pas interdit de le jeûner, car il s’inscrit dans le cadre des trois jours de chaque mois lunaire.
Certains exégètes, dont ‘Ikrima, sont allés jusqu’à dire que le verset dans lequel Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) : « Durant laquelle est décidé tout ordre sage » (Coran 44/4), correspond à la nuit de la mi-Cha’bân, alors qu’il correspond en réalité à Laylat al-Qadr. D’après Ibn Radjab, qu'Allah lui fasse miséricorde, ‘Atâ’ dit : « La nuit de la mi-Cha’bân, on remet à l’Ange de la mort une liste et on lui dit : 'Saisis l’âme de ceux qui sont inscrits sur cette liste' ».
Et d’après Ibn Abî Chayba, ‘Atâ’ a dit : « Le Prophète () ne jeûnait jamais aussi fréquemment qu’au mois de Cha’bân, où les durées des vies sont inscrites ».