La recommandation du Prophète à sa nation sur le Mont ‘Arafat
Le huitième jour du mois de Dhu Al-Hijja de la dixième année de l’hégire – qui est le jour dit de Tarwiyya – le Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) se dirigea vers Mina et y accomplit les prières du Dhohr, ‘Asr, Maghrib, ‘Ishâ’ et Fajr. Puis, il y demeura un temps relativement court. Après le lever du soleil il poursuivit son chemin jusqu’à arriver à ‘Arafat. Parvenu à Namirah, il trouva la tente qui, sur ses ordres, avait été dressée. Il s'y installa donc jusqu'au moment où le soleil se mit à décliner de son zénith. Il demanda alors que sa chamelle, Al-Qaswâ', soit sellée, puis prit la route jusqu'à se retrouver au fond de la vallée, à 'Uranah, devant une assemblée qui s’était réunie autour de lui comme ce ne fut jamais le cas auparavant. On parle de 130.000 fidèles. Ce fut une rencontre à laquelle assista un grand nombre de fidèles. Là, il prononça un sermon mémorable dans lequel il donne les enseignements indispensables au fidèle pour vivre sa foi et réussir ici-bas dans sa vie dans l’au-delà.
Selon Jâbir ibn Abdillah, qu’Allah soit satisfait de lui, le Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) a prononcé un sermon alors qu’il se trouvait sur le mont ‘Arafat. Il y dit entre autres :
« Ô gens ! Vos vies, vos biens et votre honneur sont sacrés. Ils sont aussi sacrés que ce jour, ce mois et cette cité. Sachez que tout ce qui appartient à Jâhiliyya (période d’ignorance préislamique) est aboli et je le mets sous mes pieds. Tout sang versé dans cette période n'est plus revendiqué, à commencer par le sang de Rabî'a ibn al-Hârith ibn 'Abd al Muttalib. Il était allaité chez les Beni Sa`d et les Hudhayl le tuèrent. C'est donc le premier (renoncement) par lequel je commence parmi les (affaires de) sang ayant eu lieu dans la Jâhiliyya (avant l'Islam). L’usure de la Jâhiliyya est abolie et la première usure que j’abolis est celle pratiquée par mon oncle `Abbâs ibn ‘Abd al-Muttalib, je l’abolis totalement. Craignez Allah dans votre comportement avec les femmes, vous les avez prises par le pacte d’Allah. Vous avez obtenu la permission d’avoir des rapports avec elles par la Parole d’Allah. Elles vous doivent de ne faire entrer chez vous aucune personne que vous détestez. Si elles venaient à le faire, vous pouvez les corriger sans les maltraiter. Par contre, vous leur devez de les entretenir et de les vêtir convenablement.
Je vous ai laissé une chose qui, si vous vous y attachez, vous ne vous égarerez jamais : le livre d’Allah. Si on vous interroge à mon sujet, que direz-vous ? Ils dirent : « Nous attesterons que tu as transmis le Message, que tu as accompli ta mission et que tu as été sincère dans tes conseils ». Il dit en levant l'index vers le ciel puis en le pointant vers les gens : « Seigneur, je Te prends à témoin », trois fois. Rapporté par Mouslim.
La sacralité de la vie, des biens et de l’honneur :
Le sermon d’adieu du Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) le jour de ‘Arafat comprend un certain nombre de règles juridiques dont les plus importants sont : la sacralité de la vie, des biens et de l’honneur en Islam. Al-Nawawi explique la phrase suivante : « vos vies, vos biens et votre honneur sont sacrés. » Ce qui signifie que l’interdiction d’attenter à ces choses est fortement appuyée. Ce qui est une preuve qu’il est permis de donner des exemples et de statuer sur un fait en se basant sur un autre, par analogie. » Ibn Al-Uthaymîn a dit : « Il a fortement insisté sur l’interdiction d’attenter à ces trois choses : la vie, les biens et l’honneur. Tout cela est interdit. Quand on parle d’attenter à la vie, on parle non seulement de meurtre, mais même de ce qui revient à attenter à la personne avec une gravité moindre. Attenter aux biens, qu’ils soient nombreux ou en petite quantité. L’honneur concerne les accusations de fornication, d’homosexualité, et d’accusation diverses, cela peut même inclure l’accusation de médisance, d’insultes. Il est interdit au musulman de porter atteinte à son frère musulman concernant ces trois choses. »
Le Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) a insisté sur le caractère sacré de la vie, des biens et de l’honneur dans un sermon le jour du sacrifice. Selon Jâbir, qu’Allah soit satisfait de lui : « Le Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) a délivré un sermon le jour du sacrifice et demanda : « Quel est le jour le plus sacré ? » Nous répondîmes : « C’est aujourd’hui. » Il dit : « Quel est le mois le plus sacré ? » Nous répondîmes : « Ce mois-ci. » Il poursuivit : « Quelle est la cité la plus sacrée ? » Nous répondîmes : « Cette cité dans laquelle nous sommes. » Il dit finalement : « Votre sang, vos biens et votre honneur sont aussi sacrés que ce jour, cette cité et ce mois. » Puis il demanda par deux fois : « Ai-je bien transmis ce message ? » Nous répondîmes : « Oui. » « Ô Allah ! Sois en témoin », conclut-il. Rapporté par Mouslim.
Selon Abou Hourayrah (qu’Allah soit satisfait de lui), le Messager d’Allah (Salla Allah Alaihi wa Sallam) a dit : « Le musulman est le frère du musulman : il ne saurait le traiter injustement, lui montrer du mépris ou l’abandonner. La piété est ici - indiquant sa poitrine à trois reprises. Il suffit, pour commettre un péché, de mépriser son frère musulman. Tout chez le musulman est sacré pour les autres musulmans : son sang, ses biens et son honneur. » Rapporté par Mouslim. Al-Munâwî explique : « Les preuves de l’interdiction d’attenter à ces trois choses sont si connues que cela relève des points de la religion nécessairement connus de tous. »
La recommandation de bien se comporter avec les femmes :
Avant l’avènement de l’islam, la femme était opprimée et ses droits non respectés. Elle avait un rang et un statut le plus bas qui soit. Il arrivait même qu’elle soit tuée à la naissance. Suite à l’arrivée du Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam), il lui restitua le rang qui lui sied et fit cesser toute injustice à son égard. Elle était maintenant un point d’honneur à même d’être protégé, un individu ayant sa valeur et son rang. Le Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) l’a entouré d’un cordon de bienveillance et d’attention. Il a demandé à ce qu’on la traite spécifiquement avec honneur et de bonne façon : qu’elle soit la mère, la femme ou la fille. L’importance qu’il a accordée aux femmes fut telle qu’il a recommandé de prendre soin d’elles alors qu’il prononçait le sermon à ‘Arafat, en disant : « Prenez soin de vos femmes, car vous les avez prises en tant qu’épouses par le nom d’Allah. » Cette recommandation indique qu’il convient de respecter les droits des épouses puisque le Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) a intimé l’ordre aux fidèles de craindre Allah à leur sujet. Ce qui inclut de respecter tous les droits de la femme. En effet, tout fidèle qui craint Allah concernant sa femme respectera ses droits. Al-Nawawi explique : « Ce hadith nous incite à prendre en compte les droits de la femme et de bien se comporter avec elle, mener une vie conjugale agréable. De nombreux hadiths authentiques font mention de ce fait, de leurs droits et mettent en garde contre toute négligence à ce sujet. »
Pour ce qui est des propos suivants : « Elles vous doivent de ne faire entrer chez vous aucune personne que vous détestez. » Al-Nawawi explique : « Ce qui signifie qu’elle ne doit autoriser aucun homme ni aucune femme que le mari déteste dans son foyer. Cela ne signifie pas qu’elles ne doivent pas commettre la fornication (comme peut le laisser penser la formulation arabe) puisque cela est strictement interdit que l’homme déteste qu’elle le fasse ou non. Et de plus, ce péché est sujet à une peine légale. »
L’usure :
Au sujet de ses propos : « L’usure de la Jâhiliyya est abolie et la première usure que j’abolis est celle pratiquée par mon oncle `Abbâs ibn ‘Abd al-Muttalib, je l’abolis totalement. » Cette phrase invalide toutes les pratiques de la Jâhiliyya et notamment les ventes, ce qui met en exergue l’importance de couper tout lien avec la Jâhiliyya, ses idoles et ses habitudes et même l’usure et autre. C’est pour cela qu’il a dit : « Sachez que tout ce qui appartient à Jâhiliyya (période d’ignorance préislamique) est aboli et je le mets sous mes pieds. » Al-Nawawi explique : « Cette phrase invalide les transactions et les ventes de la Jahiliyya qui n’ont pas encore été conclues… Et aussi, l’imam et toute personne qui prescrit le bien et proscrit le mal devraient commencer par sa propre personne et sa famille pour que ses propos soient plus à même d’être acceptés et que les nouveaux convertis les accueillent avec davantage de gaieté de cœur. Pour signifier l’invalidité des transactions, l’expression arabe employée est littéralement, je les mets sous mes pieds.
Le livre d’Allah :
Il a aussi dit : « Je vous ai laissé une chose qui, si vous vous y attachez, vous ne vous égarerez jamais : le livre d’Allah. » Cette recommandation inclut de s’attacher aux préceptes du Coran et de la Sunna puisque s’attacher aux préceptes du Coran implique de s’attacher aux préceptes de la Sunna. Il n’a pas prononcé le terme de Sunna puisque le Coran intime l’ordre de s’attacher à la Sunna. Il y a d’ailleurs une version de ce hadith rapporté par Ibn Abbâs, qu’Allah soit satisfait de lui, dans laquelle il est dit : « Je vous ai laissé une chose qui, si vous vous y attachez, vous ne vous égarerez jamais, c’est un fait évident : le livre d’Allah et la sunna de Son Prophète. »
Certains sont tombés dans l’égarement en prétendant qu’il était possible de se suffire du Coran sans avoir à s’attacher à la Sunna. En réalité, prétendre se suffire du Coran revient à annuler les enseignements du Coran auquel ils prétendent s’attacher. En effet, dans le Coran, Allah ordonne de s’attacher aux enseignements de la Sunna du Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) et cela dans bien des occurrences. Et notamment, dans ce verset : « Ce que le Messager vous ordonne, acceptez-le, et ce qu’il vous défend, abstenez-vous-en. » (Coran 59/7). Ibn Kathir explique : « Autrement dit : obéissez à ses ordres, quels qu’ils soient et écartez-vous de tout ce qu’il interdit, car il n’ordonne que le bien et n’interdit que le mal. » De son côté, Al-Sa’dî a dit : « Cela comprend tous les fondements de la religion, mais aussi ses lois, ce qui est manifeste et ce qui est latent. Les fidèles doivent s’attacher et se conformer à tous les préceptes enseignés par le Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) et il n’est pas permis de s’opposer à lui. Tout ce qu’il énonce a le même statut que ce qu’Allah énonce. Personne n’est autorisé à y déroger ni n’est excusé pour avoir délaissé ses ordres. Et il n’est permis à personne de donner la primauté à l’avis de quiconque sur les paroles du Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam).
Selon Al-Miqdâd ibn Ma’d Yakrib, qu’Allah soit satisfait de lui, le Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) a dit : « Il ne tardera à venir un temps où on citera un de mes propos à un homme qui sera alors accoudé sur son lit d’apparat et dira : ‘’seul le livre d’Allah permet de juger entre vous et nous. Ce qui y déclaré licite nous le considérons comme tel et ce qui y est déclaré illicite nous le considérons comme tel.’’ Or, ce que le Messager d’Allah interdit a le même statut que ce qu’Allah a interdit. » Rapporté par Tirmidhi et jugé authentique par Al-Albânî. Ce hadith est un des signes de la véracité de sa prophétie puisqu’est apparu au sein de la communauté des gens qui nient tout ou partie de la Sunna en prétendant se dispenser d’elle en se suffisant du Livre d’Allah.
Le Prophète (Salla Allah Alaihi wa Sallam) a prononcé plusieurs sermons au cours de son Hajj, à ‘Arafat, le jour du sacrifice et les jours de Tashrîq. Ces sermons comprennent des recommandations éminentes et d’ordre général adressés à ses Compagnons et à toute sa communauté. Ce fut également l’occasion de ces adieux à ses Compagnons, sa communauté et à ce monde. Ceci après avoir accompli sa mission, transmis le message divin, avoir adressé les conseils les plus sincères aux membres de sa communauté concernant leur vie en ce monde et dans l’autre… Depuis, les savants, anciens et contemporains, ont toujours accordé une grande importance à ce sermon d’adieu et en ont déduit de nombreux enseignements, des leçons et des règles.