La douceur dans la Da'wa est une condition sine qua none
Il est souhaitable d’agir avec douceur envers ceux dont on espère la conversion à l'Islam afin d'attirer leur cœur vers celui-ci. Cela concerne les incroyants. Quelle devrait donc être l'attitude envers quelqu'un dont on espère le repentir, alors qu'il est un musulman croyant en Allah et en Son Messager ? N'est-il pas plus digne de douceur que l’incroyant dont on espère la conversion à l’Islam ?
Dans la Da'wa (prédication islamique), la douceur est une forme de bon traitement qui ouvre le cœur de celui qui en est l’objet. C'est l'un des principes établis de la Da'wa dans l'Islam. Celui-ci se reflète uniformément dans le discours coranique et dans les pratiques de l’ensemble des messagers d'Allah avec leurs peuples. Il est plus évident dans l'histoire du Prophète Ibrâhîm (Abraham), , quand il a invité son père à croire en Allah. Il l'a appelé, à plusieurs reprises, « Ô mon père », espérant ainsi faire appel à lui à travers ce lien solide père-fils. Il est également très clair dans l'histoire du prophète Mûsâ (Moïse), dans laquelle Pharaon prétendait être Dieu. Allah, le Très-Haut, a ordonné à Mûsâ et à Hârûn (Aaron), Alaihim Assalam, d'inviter Pharaon à croire en Lui en usant de bonté.
Allah dit (selon la traduction du sens du verset) :
« Puis, parlez-lui gentiment. Peut-être se rappellera-t-il ou [Me] craindra-t-il ? » (Coran 20/44)
Il ne fait aucun doute que de prodiguer des paroles aimables est plus susceptible d’aboutir à une réponse positive.
L'Islam prêche cette même attitude générale lorsqu’on invite les gens à embrasser la foi en Allah, exalté soit-Il. Plutôt, le Coran l’a souligné et le Prophète () l'a mis en pratique.
Allah, le Très-Haut, dit (selon la traduction du sens du verset) :
« [...] si tu avais été rude [en paroles], au cœur dur, ils se seraient enfuis de ton entourage. Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon (d'Allah). Et consulte-les à propos des affaires [...] » (Coran 3/159)
En réfléchissant attentivement au Coran, nous remarquons que la dureté n'y est pas mentionnée, sauf dans le contexte de la lutte contre les ennemis sur les champs de bataille. Ici, il n'y a pas de place pour un discours bienveillant et aimable, car aucun son n'est plus fort que celui de l'épée et de la lance. Ce sont les règles d'efficacité au combat qui dictent la ténacité face à l'ennemi jusqu'à la fin de la bataille. Cependant, même dans ce contexte, l'Islam prêche la bonté, en établissant l'étiquette raffinée du Jihâd (combat) dans cette glorieuse religion. Il ne devrait pas y avoir de combats avant d’avoir effectué la Da'wa. En fait, le but du Jihâd, en Islam, est d'amener les gens à la bonne direction.
Le Prophète () a dit :
« Si une seule personne est guidée par Allah à travers vous, ce sera mieux pour vous que de posséder une grande quantité de chameaux rouges. »
Dans l'Islam, le but du Jihâd n'est pas de tuer des gens, de faire des prisonniers et d’obtenir des butins de guerre. Le combat est plutôt motivé par la miséricorde, sous tous ses aspects. Le Prophète () avait l’habitude de commander à ses Compagnons d'observer l'étiquette islamique de la guerre, en disant :
« Partez avec la bénédiction d'Allah. Ne tuez pas un vieillard décrépit, ni un enfant, ni une femme. Ne volez pas (du butin) ou n'agissez pas avec perfidie. Faites le bien et agissez avec bonté, car Allah aime ceux qui agissent avec bonté. »
Si l'Islam prêche la gentillesse et la douceur dans le contexte de la guerre, qu'en est-il lorsqu’il est question de la Da'wa ?
La violence n'engendre rien de bon
La violence dans le contexte de la Da'wa n'engendre aucun bien. Rien ne gâche plus la Da'wa que la violence, car celui qui invite les gens à embrasser la foi en Allah espère que son invitation plongera dans les profondeurs du cœur du destinataire pour faire de lui une personne de Dieu dans ses conceptions, ses sentiments, ses perceptions et son attitude. Il espère que la foi transforme tout son être et le métamorphose en une autre personne, en termes de pensée, de sentiment et de volonté. Il vise également à changer la communauté : ses croyances héritées, ses traditions profondément enracinées et ses systèmes moraux et sociaux en vigueur qui ne sont pas conformes aux lois d'Allah ou aux principes de la foi et aux concepts de la vérité.
C'est donc une substitution aux niveaux intellectuel, idéologique et émotionnel. Il est bien connu que les croyances et les idéologies ne peuvent jamais être modifiées par la violence, la force ou la coercition. Puisque celles-ci sont hébergées par les cœurs et les esprits, il n'y a aucun moyen d’imposer des croyances et des idées à d’autres. En fait, les seuls moyens efficaces de changer les croyances et les idées sont la persuasion et le raisonnement.
Cela ne peut être atteint que par la sagesse, la gestion intelligente des affaires, et la connaissance de la nature humaine. C'est-à-dire, la connaissance de la tendance innée de l’être humain à conserver les normes anciennes et sa tendance inhérente à contester [ce qui lui est étranger].
Allah, le Très-Haut, dit (selon la traduction du sens du verset) :
« [...] L’être humain, cependant, est de tous les êtres le plus grand disputeur. » (Coran 18/54)
Cela implique de faire montre de douceur et d'essayer habilement de gagner le cœur et l'esprit du destinataire, d’adoucir son cœur, d’affaiblir son attachement persistant aux vieilles idées et pratiques et d’éliminer ses préjugés.
Il ne devrait y avoir aucune contrainte en matière de religion
Allah, exalté et glorifié soit-Il, n'oblige personne à croire en Lui ou à embrasser sa religion. En fait, il a interdit aux croyants de contraindre les gens à embrasser l'Islam.
Il dit (selon la traduction du sens du verset) :
« Nulle contrainte en religion [...] » (Coran 2/256)
De toute évidence, la coercition est totalement inutile en ce qui concerne les croyances et les idées, en général. Cela ne donne pas une foi authentique, car une personne ne peut devenir vraiment croyante sous la contrainte.
Il va sans dire qu'Allah, exalté soit-Il, est capable de faire en sorte que chacun des êtres humains soit croyant.
Allah dit (selon la traduction du sens du verset) :
· « Si Nous voulions, Nous apporterions à chaque âme sa guidée [...] » (Coran 32/13)
· « Si ton Seigneur l'avait voulu, tous ceux qui sont sur la Terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? » (Coran 10/99)
Cependant, Il ne l'a pas fait. Il a plutôt fourni aux êtres humains des preuves claires et convaincantes pour les conduire sur la bonne voie et Il leur a envoyé des messagers pour les guider vers la vérité.
Allah, le Très-Haut, dit (selon la traduction du sens du verset) :
« [Nous avons envoyé] les messagers, en tant qu’annonciateurs et qu’avertisseurs, afin qu’après la venue des messagers, il n’y eût pas pour les gens d’argumentation possible devant Allah. » (Coran 4/165)
Il a ensuite laissé aux êtres humains le choix de croire ou de ne pas croire afin que les conséquences soient celles du choix de chaque individu, en particulier, et non les conséquences des actions imposées par quelqu'un d'autre.
Allah, le Très-Haut, dit (selon la traduction du sens du verset) :
« La vérité émane de votre Seigneur. Quiconque le veut, qu'il croie et quiconque le veut qu'il mécroie. Nous avons préparé pour les injustes un Feu dont les flammes les cernent. » (Coran 18/29)
Le Prophète () vivait à La Mecque et a vu des idoles partout, mais il ne les a pas démolies, ni brûlées. Au lieu de cela, il a continué à inviter les gens à croire en Allah et à leur communiquer le Message divin. Il a fait cela dans le but d’éclairer leurs esprits, de changer leurs fausses croyances avec sagesse et corriger leurs perceptions afin que le changement provienne d'eux-mêmes, forts de leur pleine conviction.
Les jeunes musulmans autour du Messager d'Allah () étaient parfois emportés par le zèle pour leur cause et lui demandaient de prendre les armes contre leurs ennemis. Cependant, il () les a exhortés à être patients et il leur a ordonné de s'abstenir de combattre les incroyants jusqu'à qu’ils en reçoivent l’ordre. Au lieu de cela, il les a exhortés à concentrer leurs efforts sur l'accomplissement de la Salah (prière rituelle) et l’acquittement de la Zakah (aumône obligatoire) jusqu'à ce que la communauté musulmane naissante soit suffisamment forte pour prendre les mesures appropriées.
Allah, le Très-Haut, dit (selon la traduction du sens du verset) :
« N'as-tu pas vu ceux auxquels on avait dit : ‘Abstenez-vous de combattre, accomplissez la Salâh et acquittez-vous de la Zakât !’ » (Coran 4/77)
Supposons que le Prophète () eût cédé à leurs désirs en leur ordonnant de combattre les incroyants des Quraysh, comment les musulmans, si peu nombreux qu’ils étaient alors, auraient-ils pu affronter leurs ennemis ? Si le Prophète () avait démoli les idoles autour de la Ka'ba (cube de la mosquée Al-Haram autour duquel on accomplit la circumambulation), quelles auraient été les conséquences d'un tel acte ?
La triste réalité
Dans un grand pays musulman, de jeunes musulmans, pleins de ferveur religieuse ont déterré les tombes érigées à l'intérieur des mosquées et ils ont démoli des sanctuaires vénérés par d’autres musulmans mal avisés qui leur faisaient des offrandes. Ces jeunes musulmans zélés ont défendu leur action en apportant des preuves textuelles du Coran et de la Sunna (tradition prophétique) concernant l'obligation d'interdire de tels péchés. Il ne fait aucun doute que leur intention était bonne et ils ont cherché à commander le bien et à interdire le mal. Cependant, leurs actions ont encouru des conséquences néfastes. Ils ont été arrêtés, tout comme un grand nombre d'oulémas, d’étudiants en sciences religieuses et de musulmans pratiquants. Ils ont tous subi des torts considérables. Leurs familles ont également subi un préjudice matériel et moral. Ajoutez à cela que ces sanctuaires ont été reconstruits plus solidement qu'avant. En bref, dans ce cas, l'interdiction du mal a conduit à un mal encore plus grave.
Je me souviens d'un autre incident dans un pays musulman où une statue d'une femme nue avait été installée sur une place publique. C'était une vieille statue usée et les gens ne se souciaient guère d’elle ni ne la remarquaient. Un jeune homme musulman zélé décida de briser et de vandaliser la statue. Peut-être avait-il quelque peu raison, mais encore une fois, les conséquences de son geste ont été défavorables. Il a été arrêté, torturé et les autorités ont reconstruit la statue autrefois négligée, la transformant en une version plus belle et plus visible. Cet évènement est devenu le sujet de discussion de la ville et a attiré davantage l'attention des gens.
Nous n'acceptons ni n'approuvons la préservation de telles idoles et statues, ni la construction de sanctuaires et l’autorisation faite aux gens d’y circumambuler. Nous n'acceptons ni n'approuvons aucun acte illicite commis dans un pays musulman. Cependant, nous devons considérer les conséquences des actions et leurs résultats. Interdire un mal peut être considéré comme un mal lui-même, s'il conduit à un mal encore plus grave, comme l'ont convenu les oulémas musulmans.
S'attaquer à la corruption et aux maux avec violence ou d'une manière qui n'est pas conforme aux principes de la Charî’a et aux conditions requises pour commander le bien et interdire le mal a souvent des implications juridiques pour celui qui le fait en vertu des lois créées par l'Homme. Il constitue également un irritant majeur pour certains notables influents qui tirent bénéfice de la préservation de la corruption et du mal. Sur ce, celui qui invite à Allah s'expose aux sanctions pénales et à l'oppression de la part des autorités et aucun bien ne serait généré par son action. Cela ne profiterait nullement à la prédication islamique ou aux musulmans. Ses efforts seront vains et sa prédication sera rejetée et ne pourra se propager.
Nous ne suggérons pas que le prédicateur musulman soit un lâche. Nous voulons plutôt qu'il élargisse ses horizons mental et psychologique et s'attaque aux causes profondes du problème, avec sagesse et patience, en tenant compte du début et de la fin des choses. Il s'agit de la manière normale de résoudre les problèmes.
En fait, la démolition d'idoles et de statues n'élimine pas la corruption ni ne déracine l'incroyance. Agir ainsi ne change en rien la situation. Au contraire, les gens en érigeront probablement de nouvelles ou reconstruiront celles qui sont brisées d’une meilleure façon qu'avant. Ils peuvent être aveuglés par l'entêtement à ne pas voir la vérité. Très probablement, un tel acte les exaspérera, les conduisant à des représailles contre les musulmans et leur messagers, Alaihim assalam, comme l'a fait le peuple d'Ibrâhîm (Abraham), , quand il a démoli leurs idoles.
Le rôle du prédicateur musulman
Le rôle de celui qui invite les gens à embrasser la foi en Allah n'est pas de tuer les adorateurs d'idoles. Les tuer est inutile, car cela ne met pas fin au culte des idoles. Son rôle n'est pas non plus de démolir ces idoles, tandis que leur amour reste vif dans le cœur de leurs fidèles parce que, comme nous l'avons dit précédemment, ils les reconstruiront et les rendront meilleures. Au contraire, le rôle du prédicateur musulman est de démolir les idoles dans le cœur et l'esprit de leurs adorateurs, jusqu'à ce que leur amour soit éradiqué et que les gens apprennent que ces idoles sont de faux dieux qui ne profitent les uns des autres, ni ne se nuisent entre eux et encore moins à leurs adorateurs. Il est nécessaire de déraciner la révérence, l'amour et la glorification de telles idoles du cœur et de canaliser cette révérence, cet amour et cette glorification vers Celui qui en est vraiment digne. Ce faisant, les adorateurs démoliront les idoles de leurs propres mains après que ceux qui les ont invités à embrasser la foi en Allah les auront démolis dans leur cœur. C'est là le vrai changement et c'est le rôle, le travail et le devoir des prédicateurs musulmans.