Les casernes-couvents dans la civilisation islamique

17/01/2016| IslamWeb

 

La civilisation islamique a produit de nombreux édifices tout a fait originaux et un style architectural spécifique à l’Islam qu’on ne trouve dans aucune autre civilisation à travers les siècles. Notons en outre que ces édifices ont puisé leurs caractéristiques et leur harmonie dans la miséricorde et la pureté d’âme propres à la Charia.
Parmi ces édifices tout à fait spécifiques au monde musulman on trouve les casernes-couvents qui sont des édifices et établissements religieux inconnus dans le monde si ce n’est dans les villes islamiques. Ces établissements apparurent dès le premier siècle de l’Hégire, puis ils se diffusèrent dans la partie est du monde musulman à partir du quatrième siècle de l’Hégire.

Les casernes-couvents dans l’Islam :

Cet édifice était à son origine un établissement à vocation purement militaire, son nom en arabe est ribât et il vient de l’expression al-murâbita fî sabîlillah, c’est-à-dire les combattants dans le sentier d’Allah, c’est d’ailleurs ce dernier terme qui a été donné pour désigner l’Etat et la dynastie bien connue des Almoravides (francisation du mot al-Murâbit), de même que le terme ribât a été donné à l’une des villes les plus importantes du Maroc, c’est-à-dire Rabat, laquelle été à la frontière de l’empire islamique, elle était une base de repli et un refuge pour les combattants almoravides se battant sur les marches de cet empire.
Il est fort probable que le système des couvents abritant des mystiques, en arabe khânaqât, se sont inspirés des premières casernes-couvents (ribâts), car en effet les combattants logeant dans ces dernières avaient en marge de leurs entraînements militaires pour le djihad et la défense des marches de l’empire islamique une pratique religieuse et spirituelle très active ; et à ce propos nous pouvons évoquer ici les versets coraniques suivants : « Ô les croyants ! Soyez endurants. Incitez-vous à l’endurance. Lutter (râbitû) constamment (contre l’ennemi) et craignez Allah, afin que vous réussissiez ! » (Coran 3/200), ou encore : « Et préparez (pour lutter) contre eux tout ce que vous pouvez come force et comme cavalerie équipée (ribât al-khayl) afin d’effrayer l’ennemi d’Allah et le vôtre » (Coran 8/60). En général, la caserne-couvent était placée sur les frontières et marches d’un pays.
Ces casernes-couvents ont été créées dans un but militaire, elles avaient pour rôle la défense des frontières et marches musulmanes contre toutes les tentatives d’incursions et d’invasions ennemies de l’Islam. On peut par exemple voir encore jusqu’à nos jours en Tunisie les vestiges de deux casernes-couvents : celle de Monastir, qui fut construite par Harthima ibn A’yan en 796 et celle de Sousse fondée en 821.

Diminution de l’utilité des casernes-couvents :

La fin du mouvement des conquêtes islamiques a amené naturellement à une diminution de l’utilité et de l’importance des casernes-couvents, de plus ce phénomène fut accéléré par le changement profond que connu la forme des armées musulmanes, c’est ainsi que le rôle joué par ces édifices aux frontières se modifia peu à peu, ces derniers perdirent donc leur nature défensive et se mirent à remplir divers autres rôles jusqu’à devenir quasiment exclusivement des lieux dédiés à la pratique spirituelle et religieuse, et avec la large diffusion de l’idéologie soufie les anciennes casernes-couvents devinrent des lieux d’accueil pour les soufis au point que le mot ribât devint un synonyme des mots « couvents de mystiques » et « zaouïas ».
Et c’est donc ainsi que les choses changèrent, les anciennes casernes-couvents devenues couvents commencèrent, après avoir été systématiquement édifiées loin de tout sur les frontières des Etats, à être construites dans des lieux plus urbains, lieux qui accueillaient de façon permanente des groupes d’individus ayant besoin d’aide et notamment les malades, les grabataires ou encore les aveugles. A ce propos al-Maqrîzî a rappelé que le sultan mamelouk Baybars fit construire un ribât ou couvent dédié à l’accueil des personnes âgées ; par ailleurs, Ibn al-Fawtî a dit au sujet du ribât de Cheikh Muhammad al-Sukrân en Iraq qu’il était un refuge pour les voyageurs et autres nécessiteux et que ce lieu fonctionnait selon des règles bien définies concernant la distribution de l’argent et de la nourriture aux pauvres.

Les couvents dédiés à l’accueil des femmes :

Il apparut dans certaines villes du monde musulman des couvents dédiés à l’accueil des femmes, ces lieux étaient donc un refuge pour les veuves, les divorcées ou encore les femmes âgées se retrouvant sans famille. Ces femmes pouvaient mener dans ces couvents une vie digne, car elles y trouvaient un lieu d’habitation stable, de la nourriture, des vêtements mais aussi une protection contre toutes les tentations dangereuses du fait qu’elles y pratiquaient assidûment les adorations et y étaient bien prises en charge. Notons que certaines d’entre elles s’installaient dans un couvent jusqu’à ce qu’elles se marient ou qu’elles retournent à leur mari. Ce système est indiscutablement une grande avancée accomplie dans le domaine de la protection sociale par la civilisation islamique.
Ce type de couvents s’est répandu dans les villes du monde musulman, c’est ainsi à titre d’exemple que le calife abbasside al-Musta’sim billah plaça sous le régime du legs pieux en 652 un couvent destiné à accueillir les femmes dans le besoin et il mit à sa tête une femme de science qui enseignait à ces femmes et les guidaient dans le droit chemin.
Rappelons en outre qu’à Damas Fâtima l’Ayyoubide fonda un couvent pour les femmes pauvres en 1252, celle-ci fit inscrire au frontispice de ce lieu l’inscription suivante : « Ce couvent a été placé sous le régime du legs pieux par Fâtima bint al-Malik al-Âdil Muhammad ibn al-Kâmil ibn Abî Bakr ibn Ayyûb pour celles qui y sont installées, elles pourront y pratiquer leurs cinq prières et y loger ».
Enfin, notons que la ville de Fès était pleine de ces couvents spécialement fondés pour l’accueil des femmes, et ce, au point que l’on pouvait considérer cette dernière comme la ville la plus importante de tout le monde musulman en termes de protection sociale.

Les couvents de femmes au Caire et Fustât :

Les couvents se sont multipliés dans les villes du Caire et de Fustât, et à ce propos l’historien musulman al-Maqrîzî avait indiqué que ces derniers étaient tous appelés « ribâts », qu’ils étaient structurés comme le furent les logis des femmes du Prophète () et qu’on y trouvait des femmes grabataires, des veuves ou des femmes esclaves, et toutes recevaient un salaire.
Et parmi les couvents consacrés à l’accueil des femmes les plus célèbres du Caire et de Fustât rappelés par les historiens on trouve :
-Le couvent d’al-Achrâf qui fut placé sous le régime du legs pieux pour les femmes incapables de subvenir à leurs besoins, ce lieu était dirigé par une femme dont la mission était de soulager ces pauvres femmes des maux qu’elles avaient traversés et de leur apprendre la religion.
-Le couvent d’al-Andalus fut fondé en 1122 pour les femmes âgées, les veuves et les divorcées, celles-ci y trouvaient tout ce dont elles avaient besoin ; ce lieu prit son nom du fait qu’il se trouvait près de la mosquée d’al-Andalus.
-Le couvent des Bagdadiennes fut fondé par la fille du sultan Baybars en 1285 au Caire, les femmes affaiblies y recevaient donc le gîte, le couvert et l’enseignement religieux.

C’est ainsi que l’exemple édifiant de ces lieux destinés à la protection des femmes en détresse et affaiblies sont la démonstration du haut niveau de civilisation atteint par le monde arabo-musulman durant le Moyen-âge. Il y a également dans ces exemples historiques qui n’étaient pas marginaux loin s’en faut une réponse implacable à ceux qui passent leur temps à faire le procès de l’Islam à cause de sa prétendue tendance à maltraiter les femmes, on voit au contraire que lorsque l’Islam est appliqué correctement, il produit de la justice sociale et insuffle dans les politiques menées par l’Etat musulman la volonté de protéger les plus faibles socialement en l’occurrence ici les femmes veuves, âgées ou encore divorcées.

Ahmad Abû Zayd
 

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