Les chercheurs spécialisés dans l’histoire des mosquées considèrent que les mosquées se trouvant en Inde possèdent des fondements architecturaux qui leur sont propres. En fait, elles sont apparues et se sont développées à partir d’un ensemble d’éléments qui influencèrent de manière très importante et directe leur architecture. Ces éléments sont les suivants :
1- Le fait que les conquérants musulmans ghaznévides de l’Inde prirent pour première mesure la destruction des temples bouddhistes et hindouistes et utilisèrent leurs piliers et leurs pierres pour édifier leurs mosquées et leurs autres constructions, lesquelles remplaçaient parfois directement les temples détruits.
2- Une édification des mosquées inspirées des formes et structures des forteresses et autres citadelles qui abritent derrière leurs remparts les communautés musulmanes qui s’étaient constituées à un moment où le péril les entourait.
3- Des mosquées ayant la forme architecturale de châteaux massifs qui suscita l’étonnement des Indiens et les attira vers la religion nouvelle alors qu’ils s’étaient habitués jusque-là à voir les édifices de leurs précédentes religions comme ce qui se faisait de plus splendide et monumental à l’époque. En fait, les architectes indiens musulmans réussirent à faire la symbiose – d’une manière tout à fait fascinante – entre les traditions architecturales de leur pays et l’agencement des mosquées en Islam.
L’édification de la Grande mosquée de Delhi ou Jama Masdjid remonte à l’époque mongole, celle-ci débuta exactement en 1644 et s’acheva quatorze années plus tard en 1658, ce lieu est également connu sous le nom de la Grande mosquée royale de Shahjahânabâd. Ce dernier, dont le nom signifie « le roi du monde » et qui régna entre 1627 et 1657, fut l’un des plus puissants souverains de la dynastie des Mongols musulmans en Inde, ses réalisations architecturales dans ce dernier pays sont considérées comme des chefs-d’œuvre non seulement dans l’histoire de l’architecture islamique mais plus globalement dans l’histoire de l’architecture mondiale, il est connu que la période de règne de ce roi fut une période de prospérité et d’abondance. C’est pourquoi ce roi est souvent comparé à al-Walîd ibn ‘Abd al-Malik, à ‘Abd al-Rahmân al-Nâsir ou encore à Sulaymân al-Qânûnî qui furent tous de grands souverains musulmans ayant laissé une empreinte profonde dans le domaine de l’architecture islamique.
Un caractère particulier et des superficies immenses :
La Grande mosquée de Delhi est considérée indubitablement comme la plus grande des mosquées de l’Inde entourées par une esplanade, celle-ci se tient sur une colline assez élevée. Sa réalisation est considérée comme la deuxième tentative, après celle de la mosquée Fâtih Bûrsîkrî, vers l’édification de mosquées ayant un caractère indien local. C’est une mosquée monumentale se composant de trois iwans s’avoisinant : l’iwan central est celui de l’entrée de la cour intérieure de la mosquée, cet iwan comporte une entrée aux portes somptueusement décorées, et c’est par ces portes que l’on accède à la salle de prière elle-même composée de trois iwans, dont celui du milieu, qui est le plus petit est nommé iwan de la qibla, il comporte le magnifique mihrab de la mosquée, et au-dessus de lui se trouve le dôme principal de l’édifice qui a une forme bulbeuse. Et à droite et à gauche se trouvent le deuxième et le troisième iwans, ces derniers sont en fait deux pièces somptueuses structurées par des piliers en pierre et des voûtes, et au-dessus de ces deux pièces se trouvent des dômes à forme bulbeuse mais moins grand que le dôme central.
On trouve un peu partout dans ces trois iwans des décorations en arabesque somme toute assez simples et belles, et répandues harmonieusement sur le marbre blanc se trouvant sur des murs faits de briques rouges, le marbre se situe exactement à trois coudées du sol. Et dans la salle de prière il y a un minbar fait de pierres d’albâtre d’un blanc immaculé.
Les deux minarets, la cour intérieure, les dômes de façades :
Deux minarets très grands s’élèvent sur les côtés de la façade de la mosquée, ils font plus de quarante mètres et sont constitués de quatre étages, ces minarets sont tous deux terminés à leur sommet par un kiosque puis par une structure en forme de turban bulbeux.
Quant à la cour intérieure, nous pouvons dire que sa superficie est immense, elle est entourée d’arcatures composées de deux étages de tous les côtés, cette cour possède une entrée magnifique surélevée par rapport au sol par un escalier monumental qui se trouve sur le côté est faisant face au mur de la mosquée, cette entrée est une construction cubique à trois niveaux comportant de belles décorations et des arches. Notons en outre que cette cour intérieure est affublée de deux portes se trouvant au centre du côté sud et du côté nord, ces dernières sont de taille plus petite que la porte orientale bien qu’elles lui ressemblent. Et dans les coins de la cour et sur les murs de la mosquée il y a quatre tours ayant la forme de kiosques extrêmement belles. Les dômes de façades sont quant à eux couverts de marbre blanc, ils sont en sus décorés de lignes faites de briques rouges. Enfin, il faut noter que se trouve au centre de cette vaste cour un bassin dédié aux ablutions.
La participation enthousiaste des princes de la région à la construction de la mosquée :
Lorsque la construction de la Grande mosquée de Delhi débuta le roi Shahjahân demanda l’aide de ses princes de la région qui étaient ses vassaux afin qu’ils donnent pour l’édification tout ceux qu’ils possédaient en termes de matériaux de construction, édification qui coûta à l’époque la somme extraordinaire d’un million de roupies. Tous ces princes s’empressèrent donc de s’exécuter en envoyant effectivement au roi ce qu’ils avaient en termes de pierres, de marbre, d’outils de construction et d’ouvriers, et c’est ainsi qu’après quatorze années d’efforts la mosquée fut achevée et ouvrit ses portes pour la première fois le jour de la prière de l’Aïd al-Fitr à laquelle assista un grand cortège royal.
Que s’avance celui qui n’a jamais manqué la prière nocturne :
Il se raconte des histoires étonnantes au sujet de la pose de la première pierre de cette mosquée qui montrent la grande piété du roi Shahjahân et sa constance dans l’accomplissement de la prière de la nuit.
Ainsi, on raconte qu’avant de poser la première pierre de la mosquée, le roi fit rassembler sa suite, ses ministres, les cadis et les oulémas de son entourage, puis il demanda qui parmi eux n’avait jamais manqué d’accomplir une seule fois la prière de la nuit, et ce, afin qu’il s’avance pour poser la première pierre de l’édifice, ils retinrent leur souffle et aucun ne bougea une oreille ; en fait, c’est le roi qui s’avança en remerciant Allah pour le fait qu’Il lui permit de ne jamais rater une seule fois la prière nocturne.
L’hostilité occidentale manifeste :
L’histoire nous rappelle que la Grande mosquée de Delhi fut un bastion pour les insurgés musulmans en 1857 qui luttaient contre l’occupant anglais. Et après que l’insurrection fut étouffée avec une barbarie inouïe, les Anglais empêchèrent les musulmans de faire la prière dans la Grande mosquée, cette dernière resta donc fermée jusqu’en 1862. Mais les colonisateurs anglais ne se contentèrent pas de fermer la mosquée, ils pillèrent en outre de nombreux legs pieux s’y trouvant ou étant dépendants de la mosquée, de même qu’ils détruisirent totalement l’école qui était attenante à la mosquée au niveau de sa porte sud, laquelle école était alors appelée la Maison de l’éternité. Ils firent hélas de même avec l’hôpital royal qui se trouvait au niveau de la porte nord de la Grande mosquée, lequel hôpital prodiguait des soins gratuits aux malades.