Nous allons dans ce présent article évoquer la vie et l’œuvre d’Ibn Manzûr, lequel est un encyclopédiste arabe auteur du fameux dictionnaire Lisân al-’Arab.
Le nom complet d’Ibn Manzûr est Muhammad ibn Djalâl al-dîn ibn Nadjîb al-dîn al-Ruwayfi’î al-Ansârî ; il compte parmi ses aïeux le Compagnon Ruwayfi’ ibn Thâbit al-Ansârî, lequel participa à la bataille de Khaybar au côté du Prophète (), il fut nommé par Mu’âwiyya ibn Abî Sufiyân juge de la ville de Tripoli en l’an 46 de l’Hégire, et si la plupart de ceux qui ont écrit une biographie d’Ibn Manzûr ne remontent pas son ascendance jusqu’à ce Compagnon, il faut néanmoins rappeler qu’Ibn Manzûr affirme et démontre dans l’introduction de son dictionnaire Lisân al-’Arab qu’il descend bel et bien de lui. Par ailleurs, les historiens ont divergé au sujet du lieu de sa naissance, certains d’entre eux pensent qu’il est né dans la ville du Caire, quant aux autres ils disent qu’il a vu le jour à Tripoli (Lybie) ; en tout cas ce qui est sûr est qu’il a grandi en Egypte.
Ibn Manzûr a consacré toute sa vie aux études et à l’écriture d’ouvrages, il s’attacha notamment à résumer des livres arabes très importants, ce travail laborieux "ne l’ennuyait pas le moins du monde" comme l’a dit à son sujet Ibn Hadjar. Ibn Manzûr avait une très bonne réputation, de plus son travail acharné ainsi que ses grandes qualités morales lui permirent de travailler dans des maisons d’éditions au Caire puis d’accéder à la judicature.
Il ne fait nul doute que le travail d’Ibn Manzûr le plus fameux est son dictionnaire intitulé Lisân al-’Arab, ce dernier est d’ailleurs considéré comme le dictionnaire le plus érudit et le plus complet, et donc comme une référence incontournable pour tous les oulémas de langue arabe. Ibn Manzûr a rédigé son dictionnaire en s’appuyant sur cinq dictionnaires précédemment écrits : le Tahdhîb al-lugha d’al-Azharî, le Mahkam d’Ibn Saydih, le Sihâh d’al-Djawharî, le Hâchiyat al-sihâh d’Ibn Barî et le Nihâyafîgharîb al-hadîth de ‘Izzal-dîn ibn al-Athîr. Notons que dans le préambule de Lisân al-’Arab Ibn Manzûr ne dénigre aucunement les efforts accomplis par ses prédécesseurs, il affirme simplement que son but en rédigeant son dictionnaire était de simplifier l’organisation du texte afin d’aider celui qui le compulse à arriver plus aisément à l’information qu’il recherche. Notre brillant encyclopédiste dit dans l’introduction de son fameux Lisân al-’Arab la chose suivante : « Il n’y a pas dans ce livre un mérite dont je suis le responsable ou un moyen dont je maîtrise la cause, je n’ai fait ici que rassembler ce qui était dispersé dans les livres de sciences […] Tout ce que j’ai écrit dans cet ouvrage s’appuie sur des textes ; ainsi, celui qui cite mon livre ici présent doit se conformer au fait de citer ces cinq fondements ».
Ce que dit Ibn Manzûr dans son introduction est considéré comme un exemple vivant d’instauration du principe des droits littéraires (d’auteur) dans la littérature arabe, de plus on comprend que respecter ce droit et s’y conformer émane d’un sentiment de responsabilité, lequel est appelé aujourd’hui « les droits sur la propriété intellectuelle », droits que la loi fait durement respecter.
Outre le fait qu’il écrivit des ouvrages de linguistique, In Manzûr composa des poèmes dont le style oscille entre la délicatesse et la sagesse, voici quelques-uns de ses vers :
Les gens ont se sont imaginés des choses sur nous mais je me suis résolu / à l’idée que tels est leur âme et leur cœur
Ils ont supposé des choses alors que certaines suppositions sont des péchés et tous / ont commis un péché en supposant des choses sur nous.
Al-Safadî a dit à propos de ses poèmes dans son livre A’yân al-‘Asr qu’il possède un art de la poésie au sens très profond et qui réjouit celui qui souffre.
Enfin, après qu’Ibn Manzûr eut achevé sa mission en tant que juge à Tripoli, il retourna en Egypte et y resta jusqu’à sa mort à l’âge de 82 ans, on dit qu’il fut atteint de cécité avant de mourir.