Nous allons dans ce présent article aborder trois problèmes de calcul inhérents au système successoral musulman : l'exclusion totale ou partielle en présence d'un autre héritier (hajb), le partage supplémentaire (radd) et la réduction proportionnelle (‘awl).
Exclusion totale ou partielle (hajb)
Nous avons déjà vu que le droit musulman exclut certaines personnes de la succession parce qu'elles tombent sous un des empêchements prévus par la Charia (par exemple : le fait d'avoir attenté à la vie du défunt). En outre, la Charia prévoit que certaines personnes sont totalement ou partiellement exclues de la succession en raison de la présence d'une autre personne dont la vocation successorale est indépendante de la sienne. C'est ce dont nous allons parler ici.
On distingue entre l'exclusion totale et l'exclusion partielle. Peuvent faire l'objet d'une exclusion totale sept personnes successibles à titre de fard : la fille du fils, le grand-père, la grand-mère, la sœur germaine, la sœur consanguine, le frère utérin et la sœur utérine, ainsi que tout ‘asab autre que le fils. Ces personnes, ayant un lien indirect avec le défunt, sont exclues par la présence d'héritier ayant un lien direct, à savoir : la fille du défunt, le père, la mère, le conjoint et la conjointe ou un fils du défunt. Ces six personnes successibles ne sont jamais totalement exclues. On signalera ici que la personne exclue peut exclure une autre.
L'exclusion partielle signifie la réduction de la part qui revient à un héritier en présence d'un autre héritier. Cette exclusion touche cinq personnes :
1) Le mari reçoit le quart au lieu de la moitié en présence d'un descendant successible.
2) L’épouse reçoit le huitième au lieu du quart en présence d'un descendant successible.
3) La mère reçoit le sixième au lieu du tiers en présence soit d'un descendant, homme ou femme, soit de deux ou plusieurs frères ou sœurs.
4) La fille du fils reçoit le sixième au lieu de la moitié en présence d'une fille directe ou d'une autre petite fille plus proche du défunt.
5) La sœur germaine ou consanguine reçoit le sixième au lieu de la moitié en présence d'une sœur germaine.
Partage supplémentaire (radd)
Lorsque les parts légitimes (fard) n'épuisent pas la succession et en l'absence d'héritiers à titre de ‘asab, le reste est partagé entre les héritiers à titre de fard autres que les conjoints proportionnellement à leur part respective. Le reste de la succession est attribué à l'un des conjoints à défaut d'héritier à titre de ‘asab, d'héritier à titre de fard ou d'un parent par l'utérus (Dhawu al-Arham).
Il s'agit en fait de repartir le reliquat des actifs de la succession après l'octroi à chacun des ayants droit de leurs parts dans l'héritage. Cette situation se présente dans les deux cas suivants :
- Absence d'un héritier à titre de ‘asab, puisque celui-ci reçoit le reliquat.
- Les parts des héritiers fard n'épuisent pas la succession.
Le reliquat est partagé en premier lieu aux héritiers à titre de fard, au prorata de leurs parts respectives, à l'exception des deux conjoints. Le reliquat ne revient au conjoint (homme ou femme) qu'en absence d'un héritier à titre de fard, un ‘asab ou par l'utérus.
En l'absence d'héritier ‘asab, le partage du reliquat s'effectue comme suit :
- En l'absence d'un conjoint, s'il n'y a qu'un seul héritier fard, par exemple : une mère, celle-ci reçoit le tiers à titre de fard, et le reliquat à titre de radd. S'il y a plusieurs héritiers fard de la même catégorie, par exemple : plusieurs filles, elles reçoivent les deux tiers à titre de fard, et le reliquat est partagé entre elles à titre de radd. S'il y a plusieurs héritiers fard de différentes catégories, chacun reçoit sa part, et le reliquat est partagé entre eux au prorata de leurs parts.
- En présence d'un conjoint, on commence par donner au conjoint sa part à titre de fard, et le reste sera partagé comme dans le paragraphe précédent.
Réduction proportionnelle ('awl)
Si les parts des héritiers à titre de fard dépassent la totalité de la succession, celle-ci est partagée entre eux proportionnellement à leurs parts successorales.
On se trouve ici dans la situation inverse de celle décrite dans le chapitre précédent. Cette situation se présente lorsque le partage entre héritiers à titre de fard dégage un reliquat négatif de succession. On procède alors au partage de la succession entre les héritiers proportionnellement à leurs parts successorales. Ainsi, si une femme laisse un époux et deux sœurs germaines, l'époux a droit à la moitié à titre de fard et les sœurs germaines reçoivent les deux tiers à titre de fard. Après la réduction, l'époux reçoit 3/7 et chacune des deux sœurs reçoit 2/7.