L’homme est composé d’un corps et d’une âme. Cette dernière le tire vers la transcendance, lui rappelle ses charges, sa position, son objectif et sa vocation, ouvre devant lui la porte vers le monde duquel il provient, avec ses immenses horizons, sa beauté, sa douceur et sa limpidité, stimule en lui l’envie et l’ambition d’y retourner, le fait se rebeller contre la matière, planer dans les vastes espaces et briser les chaînes, lui fait aimer la faim et la soif et l’incite à se détourner des plaisirs et des désirs.
Quant au corps, son poids l’attire vers la terre, attise son désir de manger, de boire et de satisfaire ses penchants. Par conséquent, l’homme souffre quand il a faim et soif, devient prisonnier des tentations. Et bien qu’au summum de sa civilisation, de sa science et de sa culture, l’homme s’éloigne de ses valeurs confessionnelles et spirituelles, s’adonne à ses besoins sensuels, n’ayant pas d’autres principes à suivre ni d’autre préoccupation. Il devient seulement avide de manger et de boire, devient insensible à tout, sauf à l’appel des plaisirs, et ne s’occupe que de gagner son pain.
Les inimitables versets du Coran font la description minutieuse de ces êtres humains en disant (sens du verset) : « Et ceux qui mécroient jouissent et mangent comme mangent les bestiaux ; et le Feu sera leur lieu de séjour » (Coran 47/12).
Si la nature animale prend le dessus et s’empare des sentiments et des sens de l’homme, il gaspillera sa vie, sans jamais avoir un cœur pur, un esprit lucide et une conscience éveillée, et aura du mal à supporter les actes d’adoration, les évocations d’Allah, exalté soit-Il, l’obéissance, la réflexion et la pureté. Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) : « (…) C'est ainsi que, quand ils s'apprêtent à faire la prière, ils la font avec paresse et ostensiblement, et n'invoquent Allah que très rarement. » (Coran 4/142).
La prophétie est venue sauver l’humanité menacée par le matérialisme tyrannique, établir des critères de justice dans ce bas monde, préparer convenablement l’homme à assumer la tâche pour laquelle il a été créé, à savoir l’adoration d’Allah, exalté soit-Il. C’est dans ce cadre qu’elle a prescrit le jeûne, pour freiner la voracité de ce matérialisme et redonner à l’âme une charge spirituelle qui lui permet de préserver sa modération dans la vie présente et de résister aux subornations du désir.
Al-Ghazâlî, qu'Allah lui fasse miséricorde, expliqua : « A chaque fois que l’homme se laisse accaparer par les désirs, il est ramené au niveau le plus bas et s’apparente aux bêtes. Et à chaque fois qu’il domine ses désirs, il s’élève aux degrés ultimes et rejoint le rang des Anges ».
Et Ibn al-Qayyim, qu'Allah lui fasse miséricorde, de renchérir dans son Zâd al-mi’âd : « Comme le caractère sain et la droiture du cœur qui s’achemine vers Allah, exalté soit-Il, requièrent que ce cœur retrouve sa cohésion et s’éloigne de la dispersion en se dirigeant entièrement vers son Seigneur, exalté soit-Il – car c’est le seul moyen de se rapprocher d’Allah, exalté soit-Il – et comme l’excès dans la consommation de nourriture et de boissons, la fréquentation des gens, la parole et le sommeil accentuent sa dispersion et interrompent ou entravent sa marche, le Tout-Puissant le Tout Miséricordieux, exalté soit-Il, de par Sa miséricorde, a prescrit le jeûne. En fait, le jeûne empêche l’excès dans la consommation de nourriture et de boissons et vide le cœur des désirs qui l’entravent dans son acheminement vers Allah, exalté soit-Il. Allah, exalté soit-Il, a prescrit le jeûne dans l’intérêt de Son serviteur, de sorte qu’il en profite dans ses vies présente et future, sans pour autant le gêner ou le priver de ses intérêts proches et lointains ».
Et d’ajouter : « Comme il est dur et difficile de priver l’âme de ses habitudes et de ses désirs, la prescription du jeûne fut retardée jusqu’au milieu de la marche de l’appel à l’Islam, après l’Emigration, lorsque l’unicité divine et la prière s’étaient ancrées dans les âmes et que ces dernières se furent habituées aux ordres du Coran. Le jeûne fut donc graduellement introduit pour être définitivement prescrit en l’an 2 de l’hégire. A sa mort, le Prophète () avait jeûné neuf fois le mois de Ramadan ».
Le discours sur le jeûne fut enveloppé de facilité et entouré de miséricorde et de piété. Le verset, dans lequel Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) : « On vous a prescrit le jeûne » (Coran 2/183), est adressé à trois catégories de personnes. La première catégorie concerne celui qui ne voyage pas et qui jouit d’une bonne santé. Celui-ci doit jeûner pour s’approvisionner davantage en piété. La deuxième concerne le malade et le voyageur qui sont autorisés à s’abstenir du jeûne, tout le rattrapant ultérieurement. La troisième concerne celui pour lequel le jeûne est difficile pour une raison qui ne peut disparaître, telle que la vieillesse ou une maladie (dite) incurable. Celui-ci est autorisé à s’abstenir du jeûne, tout en nourrissant en compensation un pauvre pour chacun des jours manqués.
Allah, exalté soit-Il, s’adresse aux personnes chargées du jeûne en disant (sens du verset) : « Ô les croyants ! » (Coran 2/183). Il les prépare ainsi à accepter tout ce qu’ils doivent assumer, aussi pénible soit-il, puisque leur foi le leur impose. Ensuite, Il les informe qu’Il leur a prescrit le jeûne, mais non pas pour la première fois dans l’histoire des religions célestes, car Il l’a déjà prescrit aux communautés précédentes, atténuant ainsi pour les croyants la lourdeur de la charge. Puis, Il leur affirme que le jeûne n’est pas seulement un examen et une difficulté sans but, mais une éducation à la foi, une réforme de l’âme, une purification et une école de la moralité et dit (sens du verset) : « ainsi atteindrez-vous la piété » (Coran 2/183).
Voilà en quoi consiste le jeûne, qui comprend de nombreux avantages et bénédictions, et est loin des difficultés insurmontables. Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) : « Allah veut pour vous la facilité, Il ne veut pas la difficulté pour vous » (Coran 2/185).
La Charia ne se contente pas de l’aspect formel du jeûne, mais exige aussi de respecter son esprit. Elle interdit ainsi au musulman non seulement de manger, de boire et d’avoir des rapports charnels avec son épouse, mais aussi de faire tout ce qui s’oppose aux objectifs du jeûne, ou néglige sa raison profonde et ses enseignements. Par conséquent, elle impose au jeûneur la piété, les bonnes manières, la pudeur du langage et la chasteté de l’âme. Le Prophète () a dit :
• « Lorsque l’un d’entre vous jeûne, qu’il se préserve des paroles obscènes et des cris, et si quelqu’un l’insulte ou l’agresse, qu’il dise : 'Je jeûne' » (Boukhari et Mouslim) ;
• « Celui qui ne renonce pas au mensonge et aux actes illicites qui en sont la conséquence, Allah n’a que faire de son renoncement à la nourriture et à la boisson » (Boukhari) ;
• « Combien de jeûneurs ne récoltent de leur jeûne que la soif » (al-Darâmî).
Le jeûne, ce n’est pas seulement un ensemble d’interdictions, comme celles de la nourriture, des boissons, des propos obscènes, de la perversité et des disputes, mais aussi des ordres positifs comme celui de l’adoration, de la lecture du Coran, de l’évocation et de l’exaltation de la gloire d’Allah, le Très-Haut, ou de la piété et de la compassion. Car le Prophète () a dit :
« Une bonne action accomplie au mois de Ramadan est équivalente à l’accomplissement d’une obligation religieuse durant les autres mois. Une obligation religieuse accomplie au mois de Ramadan est équivalente à l’accomplissement de soixante-dix obligations religieuses durant les autres mois ».
D’après Zayd al-Djuhanî, qu'Allah soit satisfait de lui, le Prophète () a dit :
« Celui qui donne au jeûneur de quoi rompre son jeûne aura la même récompense que lui sans pour autant que cela ne diminue en rien la récompense du jeûneur » (al-Tirmidhî).