Qui sont les gens du Livre ? Les Zoroastriens sont-ils des Gens du Livre ?
27/12/2009| IslamWeb
Qui sont les gens du Livre ?
(2ième partie) : Les Zoroastriens sont-ils des Gens du Livre ?
Les anciens Iraniens croyaient en un créateur de l'univers, Ahura-Mazdâ, mais croyaient également en d'autres divinités dont l'ensemble forment les forces du Bien, au monde de qui s'oppose l'empire des Ténèbres et du Mal, dont Ahriman est considéré le chef. Les Iraniens honoraient Ahura-Mazdâ par le feu qu'ils faisaient rayonner au sommet des tours cultuelles ; ils offraient à la plupart de leurs divinités des sacrifices sanglants ; ils buvaient le haoma et tombaient dans une ivresse extatique. Au VIème siècle avant l'ère chrétienne, un réformateur religieux apparut : Zoroastre (Zarathushtra) enseigna aux Iraniens que Ahura-Mazdâ est le seul Dieu, qu'Il a tout créé, bien et mal, qu'Il a ainsi créé deux êtres invisibles, l'un du bien, l'autre du mal et que ce sont eux qui tentent, avec la permission de Dieu, d'influencer l'homme. Ce dernier doit donc choisir et est responsable de ses choix. Adorer Dieu, enseigna Zoroastre, c'est garder le cœur pur, délaisser les idoles et les sacrifices sanglants, abandonner l'ivresse du haoma, honorer Dieu par le moyen de la prière (le feu n'en étant plus qu'un accompagnement). A celui qui respecte ces enseignements, Ahura-Mazdâ donnera le bonheur éternel le jour où il se manifestera dans un embrasement de l'univers. Pendant quelques décennies, de nombreux Iraniens demeurèrent fidèles à l'enseignement de Zoroastre. Mais peu à peu, au fil du temps, ils se mirent à ne plus suivre que partiellement son message et à y ajouter d'autres pratiques : polythéisme, culte du feu, sacrifices sanglants, recours à la magie réapparurent. Et c'est ainsi que ce qu'on appelle la "religion zoroastrienne" fut en fait une religion ayant mélangé des éléments extérieurs et des éléments du message originel de Zoroastre. (Ces éléments sont extraits du Mémo Larousse, p. 297. Voir également Qassas Al Qur'ane, As-Syohârwî, tome 3 pp. 167-171.) Il est possible que Zoroastre ait été un prophète, envoyé par Dieu au monde iranien de l'Antiquité, mais il est cependant difficile d'en être sûr au point de le déclarer formellement. Nous préférons donc nous contenter de dire ici que l'enseignement de Zoroastre était apparemment conforme à celui des messagers de Dieu. C'est globalement la position du savant musulman indien As-Syohârwî (Qassas Al Qur'ane, tome 3 pp. 167-171).
Alors, les Zoroastriens sont-ils des Gens du Livre ?
Ibn Hazm et l'école Dhahirite, de même que Abou Thawr, sont d'avis que les Zoroastriens sont effectivement des Gens du Livre. Ces savants ont recours au raisonnement suivant : d'un côté seuls les Gens du Livre peuvent être des
Mouâhid / Ahl Adh-Dhimma, car le Coran ne fait mention que d'eux à ce sujet et d'ailleurs le Prophète,
, n'a jamais conclu de contrat de Dhimma avec des idolâtres. D'un autre côté le Prophète,
, a accepté les Zoroastriens comme
Mouâhid / Ahl Adh-Dhimma. Donc les Zoroastriens sont des Gens du Livre (
Fiqh As-Sunna, tome 4 p. 167, tome 2 p. 382, voir
Al-Mouhalla, tome 5). De plus, un Hadith existe qui dit à propos des Zoroastriens :
" Qu'il en soit avec eux comme avec les Gens du Livre. "(Rapporté par Malek, n° 617), ce qui montre qu'ils sont des Gens du Livre.
Par contre, selon l'avis d'autres savants (notamment ceux des écoles hanafite, malékite, hanbalite), même s'ils se réfèrent au message et au livre apportés par un réformateur ayant peut-être été un prophète de Dieu, les Zoroastriens ne sont pas des Gens du Livre, car ils ont, au fil du temps, opéré tellement de changements par rapport à ce message qu'il est impossible de dire d'eux qu'ils sont demeurés monothéistes : ils croient ainsi en deux divinités, l'une du bien, Yazdân, l'autre du mal, Ahriman ; et ils rendent un culte au feu. Or les gens d'une religion donnée ne peuvent être comptés parmi les Gens du Livre qu'à moins d'être déjà monothéistes (plus d'autres conditions, que nous allons voir plus bas). A propos du fait que le Prophète,
, n'a jamais établi de contrat de
Dhimma avec des idolâtres, Ibn Al-Qayam dit que cela ne signifie pas qu'il soit impossible de le faire : si le Prophète n'a pas établi un contrat de
Dhimma avec des idolâtres, c'est parce que l'institution de ce contrat de
Dhimma a été révélée l'année de Tabouk, en l'an 9 de l'hégire, à un moment où les Arabes idolâtres s'étaient déjà convertis à l'Islam [pour certains] (
Az-Zad, tome 5 p. 91, tome 3 p. 154), pour d'autres avaient déjà conclu d'autres types de traités avec le Prophète. Ibn Qayam écrit :
" On sait que ces Arabes se référaient à la religion de Abraham, lequel avait laissé des écritures ("Souhof") et une voie ("Charia"). Les changements que ces adorateurs d'idoles [les Arabes] avaient effectués dans la religion et la voie de Abraham ne sont pas plus importants que ceux que les Zoroastriens ont effectués dans la religion de leur prophète et dans leurs écritures si [l'existence d'un prophète et d'écritures parmi eux] est établie"(
Az-Zad, tome 5 p. 92). En effet, écrit Ibn Al-Qayam,
" les idolâtres [Arabes] reconnaissaient l'unicité divine en ce qui concerne la gestion des événements ("Tawhid Ar-Rouboubiya") et le concept que Dieu est le seul créateur ; ils disaient que s'ils adoraient des entités distinctes de Lui, c'était pour qu'elles les rapprochent de Lui." "Ils ne sont pas allés jusqu'à dire qu'il y aurait deux créateurs du monde, l'un du bien l'autre du mal, comme le disaient les Zoroastriens" (
Az-Zad, tome 5 p. 91). Or, les Arabes de la période préislamique n'ont pas été considérés comme des Gens du Livre mais comme des polythéistes (
Mouchrikine). Comment donc les Zoroastriens, qui ont opéré dans la religion originelle des changements plus importants que ceux que les Arabes y ont opérés, seraient-ils des Gens du Livre et non des polythéistes ? Ibn Al-Qayam écrit également :
" Quelle différence y a-t-il entre ceux qui rendent un culte à des idoles et ceux qui rendent un culte au feu ? " (
Ibid., tome 5 p. 91 ; voir aussi tome 3 p. 153).
Quant au Hadith " Qu'il en soit avec eux comme avec les Gens du Livre", s'il est authentique (voir Nasb Ar-Raya), il semble indiquer que les Zoroastriens ne sont pas des Gens du Livre, puisqu'il est demandé d'agir avec eux… comme on agit avec les Gens du Livre ; lesquels Gens du Livre sont donc autres qu'eux (cf. Madjmou' Al-Fatawa, tome 32 p. 189).
Enfin, Ibn Abbas, parlant de l'offensive des Byzantins contre les Perses au VIIème siècle, événements dont le Coran fait mention (30/2-6), rapporte que les polythéistes Mecquois souhaitaient la victoire des Perses, "qui étaient polythéistes comme eux", alors que les musulmans souhaitaient celle des Byzantins, "qui étaient des Gens du Livre" (rapporté par At-Tirmidhi, n° 3193, voir Madjmou' Al-Fatawa, tome 32 p. 188).