Allah (exalté soit-Il) dit (sens des versets):« Et concourez au pardon de votre Seigneur, et à un Jardin (paradis) large comme les cieux et la terre, préparé pour les pieux, qui dépensent dans l'aisance et dans l'adversité, qui dominent leur colère et pardonnent (à autrui). Et Allah aime les bienfaisants » (Coran: 3/133 - 134)
Ces versets dénombrent les principales caractéristiques des pieuses personnes. Chacune des caractéristiques qui y sont énumérées mérite à elle seule un article indépendant et c’est ce que nous avons essayé de faire malgré le peu de bagages que nous possédons. Dans le premier article de cette série nous avons abordé la 1ère caractéristique à savoir « La dépense dans l'aisance et dans l'adversité » et nous voilà arrivé à la 2ème caractéristique qui est la domination de la colère et le pardon.
Cette caractéristique constitue un état psychologique spécifique aux personnes pieuses, et qui devrait régner parmi l’humanité entière.
Le Prophète () n’a cessé d’inciter ses Compagnons et à travers eux tous les membres de sa communauté à la maitrise de la colère et au pardon par le bon exemple, l’exhortation et la mise en garde.
« Ne te mets jamais en colère !» fut sa seule recommandation à un ce Compagnon qui lui demanda à trois reprises de lui donner un conseil.
Il nous explique à travers le hadith suivant que la personne qui arrive à vaincre sa colère est une personne assistée dans sa lutte par Allah, exalté soit-Il, et que celle qui laisse libre cours à sa colère est sous l’emprise de Satan :
Un individu s’était attaqué à Abou Bakr pendant qu’il était en compagnie du Prophète (). Abou Bakr avait d’abord maîtrisé sa colère, mais l’agresseur n’arrêtait pas ses invectives. La troisième fois, Abou Bakr, voulant mettre fin à cette agression, réagit, et, se tournant du côté du Prophète, vit qu’il s’était éloigné d’eux. Il courut alors, le rejoignit et lui dit : «O Messager d’Allah ! Est-ce que tu me reproches d’avoir voulu mettre fin aux attaques de cet homme après qu’il m’a provoqué à trois reprises ? «Le Prophète lui répondit alors en guise de leçon : «O Abou Bakr ! Tant que tu parvenais à retenir ta colère, Allah t’assistait en cela par un ange, mais lorsque tu avais décidé de répondre au mal par le mal, l’ange avait cédé la place à Satan et je ne suis pas homme à prendre place dans un groupe de personnes où s’introduit Satan». (Rapporté par Abou Dawoud et Al-Bayhaqi)
Ce hadith nous apprend entre autres que l’assemblée où l’on rend le mal par le mal est un foyer où Satan se délecte et que les anges du Miséricordieux assistent à celle où les gens arrivent à maîtriser leur colère.
Le verset nous apprend aussi que l’homme pieux non seulement parvient à maitriser sa colère et à s’abstenir de répondre au mal par le mal, mais fait plus que cela : il arrive à pardonner.
Le pardon est certes, la vertu des personnes généreuses. Le Prophète () a dit en l’occurrence : «Le jour du Jugement dernier, une voix demandera : - Où sont ceux qui ont mérité la récompense du Seigneur? Ne se lèveront alors que ceux qui auront pardonné aux autres». (Rapporté par Al-Bayhaqi)
Le Prophète () qui appliquait à la lettre les recommandations du Coran à tel point que notre mère ‘Aisha interrogée sur son éthique répondit que son éthique était le Coran », appliquait ces deux principes dans ses rapports avec ses adversaires, ceux qui le combattaient et ceux qui vouaient la haine aux Musulmans.
Lorsque Thoumamah ibn Athalfut fait prisonnier par les troupes musulmanes et que lui fut proposé à trois reprises de se convertir à l’Islam, il refusait à chaque fois en disant : «Si vous me tuez, moi aussi j’ai tué (des musulmans), si vous êtes généreux, vous ne l’aurez pas été envers un ingrat». Le Prophète () l’abandonna à son sort et ordonna alors qu’on le libère. Lorsque Thoumamah se retrouva tout seul, maintes questions traversèrent alors son esprit : «Quels sont ce prophète et cette religion? Je les ai combattus la veille et quand ils m’ont fait prisonnier et que j’ai refusé d’embrasser cette nouvelle religion, ils ne m’y ont point obligé, ni ne m’ont tué et m’ont plutôt accordé la liberté. Par les Dieux ce ne sont point là les vertus d’un être humain, mais plutôt celles d’un authentique prophète». Il fit ses ablutions et revint trempé d’eau auprès du Messager d’Allah pour proclamer tout haut sa conversion à l’Islam en disant : «Sache O Mohammed que ton pays, qui, la veille, était l’objet de mon abhorration est devenu celui que j’aime le plus, que ta religion que je détestais par dessus tout est devenue ma religion préférée, que ta face que je ne pouvais supporter de voir est devenue le visage que j’aime le plus au monde. Je témoigne qu’il n’y a pas de Dieu en dehors d’Allah et que tu es Son Messager». (Ce récit se trouve dans Sahih Al-Boukhari)
Ce magnifique exemple est une réponse catégorique aux attaques et aux surenchères de ceux qui prétendent que notre religion est intolérante et agressive.
Il est bon que l’être maîtrise sa colère. Qu’il Pardonne à celui qui lui veut du mal est encore meilleur. Mais l’idéal c’est qu’il parvienne à lui faire du bien. C’est pourquoi il est bien mentionné dans le verset objet de notre article : « [Ceux] qui dominent leur colère et pardonnent (à autrui) ! Et Allah aime les bienfaisants !». Certains exégètes font valoir que la bienfaisance dans le verset découle des deux premières caractéristiques, mais la grande majorité veut qu’elle constitue une caractéristique indépendante par laquelle on doit comprendre que le fait d’être généreux envers celui qui nous veut du mal est bien une vertu. C’est en réalité l’attitude parfaite que nous sommes appelés à adopter dans nos relations humaines et que le Coran n’a pas manqué de nous recommander lorsqu’il nous dit (sens des versets):
«La bonne action et la mauvaise ne sont pas pareilles. Repousse (le mal) par ce qui est meilleur; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. Mais (ce privilège) n'est donné qu'à ceux qui endurent et il n'est donné qu'au possesseur d'une grâce infinie.» (Coran : 41/34 et 35)
Etre bienfaisant avec celui qui nous veut du mal est une noblesse de l’âme. C’est en outre un principe islamique en tant que remède aux miasmes de l’âme tyrannique afin de la transformer en une âme conciliante. C’est par l’application de ce principe que le Prophète () était parvenu à faire connaître à plusieurs personnes l’Islam authentique dans sa grandeur d’âme et les relations humaines idéales auxquelles il appelle et les a amenés ainsi à s’y convertir. Il () a toujours été charitable et bienfaisant tant avec ses Compagnons qu’avec ses ennemis et même ceux qui lui vouaient une haine déclarée.
Ainsi, Zayd Ibn Sa’ana, un rabbin juif auprès duquel le Prophète () avait contracté un emprunt s’était présenté devant celui-ci et lui avait demandé de la manière la plus humiliante de lui rendre son argent tout en criant tout haut : «Vous les fils de Abd Al-Moutalib vous êtes arrogants et vous spoliez le droit des gens». Le Prophète () dit alors à ‘Omar qui s’apprêtait à réagir : «Arrête, lui et moi savons mieux que toi qu’il doit agir selon le code du bon négoce avec moi et que je dois moi, m’acquitter de ma dette. Va et donne à cet homme son dû (alors même que l’échéance est encore loin). Ce que fit ‘Omar; et le Prophète de lui demander de lui remettre une majoration en plus. Lorsque ‘Omar voulut savoir pourquoi, le Prophète () lui dit : «Parce que tu as effrayé notre homme». Lorsque ‘Omar s’est retrouvé avec le rabbin, celui-ci lui demanda s’il le connaissait puis dit : «Je suis Zayd Ibn Sa’na le rabbin» ‘Omar lui demanda alors ce qui l’avait poussé à agir de la sorte avec le Prophète et pourquoi il l’avait offensé devant ses compagnons. Le rabbin dit à ‘Omar qu’il comprenait tout à fait son étonnement, mais qu’il avait pris connaissance des caractéristiques du sceau des prophètes dans les messages célestes antérieurs et voulait vérifier deux de ces vertus qu’il n’avait pas encore remarquées chez Mohammed (), qualités qu’il a enfin pu vérifier chez lui et qu’il a résumées ainsi: savoir que la bienfaisance chez lui l’emporte sur la colère et qu’elle augmente encore plus avec ceux qui lui veulent du mal, puis il ajouta: «Maintenant, que je suis convaincu qu’il est le sceau des Prophètes, je témoigne haut et fort que Mohammed est le Messager d’Allah». (Rapporté par At-Tabarni)
Tel est le principe de la bienfaisance que la Loi divine a établi et que notre Prophète Mohammed () a pratiqué, de la plus belle manière, dans ses relations avec son entourage et a légué à la communauté musulmane.